« Hiro », un robot spécialisé dans la manipulation de pièces aéronautiques. | Benoit DECOUT/REA

Anthony Remazeilles, 38 ans, traverse chaque jour la frontière espagnole pour préparer le monde de demain. Il conçoit des robots dans une entreprise de développement et de transfert de technologie basée à Saint-Sébastien, au Pays basque espagnol. Après avoir imaginé des systèmes pour assister les personnes âgées, il se ­consacre désormais à la robotique chirurgicale. A ses yeux, les humains ne doivent pas s’inquiéter du développement des machines, car ils garderont un rôle à jouer…

Un entretien qui résonne avec deux des conférences de notre événement O21 / s’orienter au 21 siècle, « Tous les métiers transformés par le numérique... Vraiment ? » et « Big data, code....Comment profiter du boom des nouvelles technologies ? », organisé à Cenon, près de Bordeaux, les 10 et 11 février, à Villeurbanne les 15 et 16 février et à Paris les 4 et 5 mars (inscription gratuite).

Quelles études avez-vous suivies ?

Originaire de Royan [Charente-Maritime], je suis entré directement après mon bac scientifique dans une école d’ingénieurs, l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Rennes, qui propose une prépa intégrée. J’ai ­ensuite choisi la spécialisation informatique, alors peu prisée par les étudiants. Deux ans plus tard, avec le boom du secteur, c’était l’une des plus cotées ! Grâce à un stage à l’université de Toulouse tourné vers la recherche, j’ai pris goût à cette activité. J’ai ­obtenu un DEA [l’équivalent, aujourd’hui, d’un master 2] parallèlement à l’INSA, puis un doctorat en informatique à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires à Rennes.

Ma passion pour la robotique a commencé là. Ma thèse traitait des lois de commande pour les robots guidés par la vision. C’est captivant de doter un robot des capacités de réagir par lui-même et d’interagir avec l’extérieur.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait s’orienter vers la robotique ?

Il faut au minimum avoir un master en lien avec ce domaine et bien parler l’anglais. C’est surtout le cas pour le secteur des développements ­informatiques car beaucoup d’informations viennent de l’étranger. On peut se former à l’université ou dans une école d’ingénieurs. Les deux voies sont pertinentes. Des masters permettent de s’orienter vers une thèse et la recherche, d’autres sont plus professionnalisants. L’école d’ingénieurs apprend notamment à s’adapter à une situation et à être capable d’y ­répondre.

Pour se distinguer, le mieux est d’avoir mené des projets de robotique, dans le cadre d’un groupe étudiant ou de stages. Ou de connaître des ­environnements-clés de développement robotique.

Comment s’est déroulé votre parcours professionnel ?

Après mon doctorat, j’ai été ­attaché temporaire d’enseignement et de recherche pendant deux ans à l’université ­Rennes-I. Puis j’ai obtenu un ­contrat de postdoctorat au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. J’étais chargé de développer un projet d’assistance aux personnes handicapées : un robot qui, à partir d’images très simples, attrapait des objets.

En 2008, j’ai été recruté chez Tecnalia Research & Innovation [à l’époque Fatronik] à Saint-Sébastien. Cette entreprise de ­déve­loppement et de transfert de technologies regroupe plusieurs pôles au Pays basque espagnol, mais aussi à Madrid, en France ou en Serbie notamment. Elle ­regroupe 1 400 salariés et intervient dans différents secteurs : santé, construction, transport, énergie, sans se limiter à la robotique. Elle compte un certain nombre d’étrangers, dont des Français qui habitent souvent, comme moi, au Pays basque français. Dans un premier temps, j’ai travaillé comme ingénieur de ­recherche sur des robots d’assistance aux personnes âgées, destinés à apporter des ­objets, à rappeler les activités quotidiennes ­prévues, ou à organiser des visioconférences avec la famille.

Depuis 2008, je suis responsable de projets de robotique chirurgicale. Des systèmes assistent le chirurgien en améliorant sa dextérité, par exemple grâce à des bras robotisés qu’il pilote.

Vous travaillez en Espagne ; dans ce secteur, une ­expérience à l’étranger ­est-elle indispensable ?

Le passage par un autre pays est recommandé, car la découverte de nouveaux environnements de travail permet de s’ouvrir l’esprit. On apprend des manières de faire, ce qui aide à imaginer des solutions. Dans la ­robotique, les centres importants se situent en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Japon… La France est aussi bien placée.

Va-t-on assister à une ­explosion des besoins dans la robotique ? Comment vont évoluer les activités ?

C’est un secteur qui se développe, et le boom de la robotique se rapproche. On sent qu’on n’en est pas loin, avec, par exemple, les voitures qui roulent toutes seules. Cependant, des freins subsistent en termes de coût.

Parmi les évolutions marquantes, le deep learning a le vent en poupe. C’est un procédé qui laisse plus de liberté au système robotique pour appréhender son environnement, exécuter et reproduire une opération. Il tend à faciliter l’automatisation de certaines tâches et ses résultats s’annoncent prometteurs.

Puisque les robots sont ­accusés de faire disparaître des emplois, la solution n’est-elle pas de les concevoir ?

C’est clairement une possibilité… Les robots vont prendre de plus en plus de place en entreprise. Mais plutôt que de s’en inquiéter, il vaut mieux réfléchir à leur prise en compte et ouvrir tout le potentiel de questionnement sur ce thème. On doit trouver les valeurs ajoutées que l’humain peut apporter. Ainsi, des personnes peuvent contribuer à la création des robots, mais aussi les accompagner afin qu’ils s’adaptent à différents environnements. Il faudra de plus en plus de professionnels pour les contrôler et vérifier que leurs ­tâches sont bien réalisées. Il n’y aura donc pas de remplacement de l’humain par la machine, mais une collaboration.

Par ailleurs, les robots ne vont pas se généraliser partout ­dès ­demain. Leurs coûts de production ne sont pas négligeables et ils nécessitent un retour sur ­investissement. Ils ne concerneront donc pas toutes les activités, il reste encore de la marge !

Participez à « O21, s’orienter au XXIe siècle »

Comprendre le monde de demain pour faire les bons choix d’orientation aujourd’hui : après Lille ( les 6 et 7 janvier), « Le Monde » organise son nouvel événement O21 à Cenon (près de Bordeaux, les 10 et 11 février au Rocher de Palmer), à Villeurbanne (les 15 et 16 février) et à Paris (4 et 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie). Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants peuvent échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants, qu’ils soient de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up.

Pour participer à une ou plusieurs conférences et ateliers, il suffit de s’inscrire gratuitement en ligne, à O21 Cenon, O21 Villeurbanne et O21 Paris. Le ministère de l’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les enseignants et établissements peuvent y emmener leurs élèves sur le temps scolaire. Pour les classes ou les associations, les inscriptions s’effectuent de façon groupée par l’envoi d’un simple e-mail à l’adresse o21lemonde@lemonde.fr.

Lors de ces événements sont également diffusés des entretiens en vidéo réalisés avec trente-cinq personnalités de 19 ans à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orientation pour les 16-25 ans leur vision du futur.

Placé sous le haut patronage du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, O21 est également soutenu, au niveau national, par quatre établissements d’enseignement supérieur (Audencia, l’Essec, l’Epitech, et l’alliance Grenoble école de managementEM Lyon). Localement, l’événement est porté par les conseils régionaux des Hauts de France, de Nouvelle Aquitaine et d’Ile-de-France, les villes de Cenon et de Villeurbanne et des établissements d’enseignement supérieur.