Des étudiants et leurs proches se déplacent, le 16 juin 2003, sur le campus de l'école des Hautes Etudes Commerciales (HEC) à Jouy en Josas. | PIERRE-FRANCK COLOMBIER / AFP

Le métier de collecteur de fonds pour l’enseignement supérieur est ­devenu un vrai… métier. Terminé, le temps des bénévoles et de l’amateurisme. On ne s’improvise plus fundraiser : aujourd’hui, la plupart des grandes écoles et même des universités, conscientes des enjeux, ont recruté des équipes composées de professionnels aguerris, dotés de compétences spécifiques.

A HEC, Barbara de Colombe, ­déléguée générale de la Fondation – l’une des plus actives de l’Hexagone, avec 112 millions d’euros collectés durant sa première campagne, de 2008 à 2013 –, est entourée de treize collaborateurs à temps plein, auxquels s’ajoutent quatre personnes qui se ­consacrent aux partenariats avec les entreprises. Sans compter une quinzaine de bénévoles de l’Association des diplômés.

Autre point-clé : la collecte de fonds est étroitement corrélée à la stratégie de l’établissement. Ce qui suppose – mais ce n’est pas toujours le cas – que celui-ci ait élaboré une ligne stratégique claire, comprise par l’ensemble des acteurs, à commencer par l’équipe de la Fondation. D’où la nécessité d’un travail préalable, approfondi, de réflexion et d’analyse sur les missions de l’institution, ses projets, son environnement concurrentiel, ses opportunités, ses faiblesses…

« Un métier de contact »

« Notre mission consiste, pour l’essentiel, à aller chercher des ­financements pour les projets-clés de l’école,explique Barbara de ­Colombe. Nous sommes donc très dépendants de sa vision stratégique, et nous devons nous en ­imprégner. L’essor du numérique, le développement international, l’arrivée de nouveaux acteurs, tout cela doit être intégré à notre ­démarche. Nous devons identifier et soutenir les projets susceptibles de convaincre les donateurs : financer le programme de bourses, le ­développement de l’incubateur, la confection des premiers MOOCd’HEC[des cours en ligne ouverts à tous] ou des chaires d’entreprise… Tout cela sans perdre de vue que nous sommes au service de la stratégie d’HEC, et non l’inverse. »

La phase « silencieuse » d’une campagne, avant son lancement officiel, peut durer plusieurs années.

Au-delà de la stratégie proprement dite, les professionnels de la collecte de fonds doivent aussi comprendre le fonctionnement de l’institution, en assimiler les rouages, bien connaître les différents acteurs – professeurs, élèves, responsables de services – et leurs préoccupations. Tout commence donc par un véritable ­apprentissage du fonctionnement de l’établissement, qui peut prendre plusieurs mois pour une nouvelle recrue.

Rendez-vous à l’étranger

Dans un premier temps, les fundraisers doivent identifier les donateurs potentiels, qui ont manifesté un intérêt pour l’école et son action. Par la suite, il leur faudra les convaincre de signer un chèque. L’équipe de la Fondation HEC élabore donc un programme de démarchage, en liaison avec la ­direction générale, les professeurs et les anciens donateurs.

A HEC, chacun des collaborateurs de la Fondation est chargé d’une tâche précise : une personne s’occupe des « legs et libéralités », d’autres suivent les grands donateurs – à plus de 150 000 euros –, pilotent le fonds annuel ou assurent la « fidélisation » et l’information des mécènes. « Nous multiplions les rendez-vous, à Paris, en région ou même à l’étranger, indique ­Barbara de Colombe. Nous passons aussi beaucoup de temps au téléphone, ou à échanger des messages… C’est un métier de contact. L’essentiel du travail s’effectue en amont du don, qui est l’aboutissement d’un processus assez long. » Ce travail préalable n’est pas toujours visible de l’extérieur. La phase « silencieuse » d’une campagne, avant son lancement officiel, peut ainsi durer plusieurs années.

La Fondation HEC prévoit d’annoncer l’an prochain sa deuxième campagne, une fois que le tiers des fonds espérés aura été collecté. « Plus que jamais, le rôle de la Fondation est aujourd’hui de donner à l’école les moyens de ses ambitions », souligne le directeur ­général d’HEC, Peter Todd.

« Capacité d’écoute »

Les compétences requises pour exercer cette profession ? « Il faut bien sûr être intéressé par l’enseignement supérieur et ses enjeux, indique Barbara de Colombe. Mais également avoir une bonne capacité d’écoute, aussi bien au sein de l’établissement qu’avec les interlocuteurs externes. Enfin, il faut savoir s’adapter aux évolutions du métier. » D’autant que ­celles-ci ne manquent pas. L’essor du numérique et des réseaux ­sociaux, d’abord, qui permettent de démultiplier les ­contacts et de démarcher plus efficacement. ­Ensuite, l’arrivée d’un nombre croissant d’acteurs – les universités, notamment.

Dernier changement notable : peu à peu, la France semble se ­familiariser avec la collecte de fonds et le soutien des acteurs ­privés à l’éducation supérieure. Même si l’idée anglo-saxonne de rendre à son école ou à son université « un peu de ce qu’on en a reçu » peine ­encore à s’imposer.