« Le projet d’Emmanuel Macron est social-libéral »
« Le projet d’Emmanuel Macron est social-libéral »
Par Audrey Tonnelier
Audrey Tonnelier, journaliste au « Monde », a répondu à vos questions sur le programme économique du candidat d’En marche !.
Emmanuel Macron a présenté jeudi le cadrage budgétaire de son programme économique. 25 milliards d’économie dans les dépenses de l’Etat, baisse du nombre de fonctionnaires… Audrey Tonnelier, journaliste au Monde, a répondu à vos questions sur le Live.
Sylvain : Bonjour. Faut-il qualifier le programme économique de Macron de social-libéral ou de droite modérée ? Se trouve-t-il à mi-chemin entre la gauche sociodémocrate et la droite humaniste ? Merci.
Audrey Tonnelier : Bonjour, les éléments de cadrage budgétaire du programme économique d’Emmanuel Macron présentés ce matin peuvent permettre de qualifier son projet de social-libéral : il y est question de flexibilité du travail, de réformes structurelles, de baisse de la fiscalité du capital… Dans l’esprit du candidat d’En marche !, cela doit aller de pair avec des mesures de protection comme l’universalisation de l’assurance-chômage ou encore une meilleure formation des demandeurs d’emploi.
DJKick : Est-ce que Macron va abroger ou modifier la loi de finances et modifier les plans de l’imposition à la source dès son élection ?
Audrey Tonnelier : Bonjour, il n’a pas évoqué ces thèmes ce matin. L’exercice auquel se livre l’équipe d’En Marche ! est assez inédit, puisque le candidat a choisi de dévoiler les éléments de cadrage budgétaire aujourd’hui, mais il ne présentera son programme global, sous forme d’une dizaine de propositions, que le 2 mars.
Christophe : Par quoi est compensé le manque à gagner pour les collectivités locales s’il n’y a plus de taxe d’habitation ?
Audrey Tonnelier : Bonjour, pour l’instant, Emmanuel Macron s’est borné à indiquer qu’il souhaite exonérer de taxe d’habitation 80 % des Français qui la paient, une mesure dont il évalue le coût pour l’Etat à 10 milliards d’euros. La mesure ne « coûtera rien aux collectivités locales » puisqu’elle sera à la charge de l’Etat, a-t-il expliqué, sans plus de précisions.
Thortu : Quels sont les prévisions de croissance, déficit et dettes sur le quinquennat ? Ceux-ci sont-ils crédibles ?
Audrey Tonnelier : Bonjour, les hypothèses de croissance du produit intérieur brut (PIB) du candidat Macron vont de 1,4 % cette année à 1,8 % en 2022. C’est nettement plus prudent que les prévisions des autres candidats, qui voient tous l’économie française décoller à plus de 2 % dès l’année prochaine – rappelons qu’elle a atteint 1,1 % l’an dernier… La prévision de déficit public 2017 est de 2,9 % du PIB et l’équipe d’En Marche ! assure qu’elle se maintiendra « dans l’épure des 3 % » (sic) tout au long du quinquennat, soit dans la limite de ce qu’exigent les traités européens. En comparaison, François Fillon vise un déficit nul à l’horizon 2022, Jean-Luc Mélenchon prévoit 2,5 %, avec un pic à 4,8 % en 2018. C’est donc un chiffrage moins ambitieux que présente Emmanuel Macron : certains y verront un défaut de volontarisme politique, d’autres un projet plus réaliste.
Jean : Macron propose 60 milliards d’économies soit une réduction du déficit de 3 %, mais en même temps un plan d’investissement de 50 milliards. Ça fait donc seulement 10 milliards d’économies non ?
Audrey Tonnelier : Oui, le programme à ce stade prévoit 10 milliards de baisses de dépenses publiques. Il y aurait aussi 20 milliards de baisses de prélèvements obligatoires, « pour soutenir le pouvoir d’achat et l’investissement », a indiqué M. Macron, donc cela revient à injecter 10 milliards d’euros supplémentaires dans l’économie française.
Gabriel : Concrètement, Macron est-il plus proche de la politique économique menée par François Hollande ou celle prônée par François Fillon ? Son programme donne l’impression d’être libéral mais pas débridé.
Audrey Tonnelier : Il y a clairement une volonté d’Emmanuel Macron de ménager un électorat encore volatil, et hétérogène (de gauche comme de droite, pour schématiser). A la lecture de ses orientations économiques et budgétaires, on voit qu’il capitalise sur ce qui a été fait durant le quinquennat, y compris lorsqu’il était ministre de l’économie (CICE, pacte de responsabilité…). Il refuse des « mesures chocs » comme la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires proposée par François Fillon ce qui lui permet d’être qualifié de social-libéral. En revanche, il y a une vraie baisse de la fiscalité du capital : le prélèvement forfaitaire unique au taux de l’ordre de 30 %, prélèvements sociaux inclus, devrait constituer un avantage pour les foyers imposés aux taux marginaux les plus élevés.
Aena : Bonjour, peut-on qualifier le programme de M. Macron d’européen ? Que prévoit-il concernant la zone euro ?
Audrey Tonnelier : Bonjour, Emmanuel Macron a été l’un des premiers candidats à se positionner comme pro-européen dans cette campagne, notamment en réaction aux messages portés par d’autres (Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon) sur le protectionnisme et/ou la sortie de l’Union européenne. Il a redit ce matin souhaiter une « relance de la dynamique européenne » et « créer un vrai budget » de la zone euro, avec un ministre de l’économie et des finances dédié. De l’avis de nombreux observateurs, c’est un objectif très ambitieux et complexe aujourd’hui, compte tenu des désaccords des derniers mois entre les Etats membres (migrants, austérité…). Il est toutefois intéressant que noter que, sur le sujet du couple franco-allemand, il se distingue par sa volonté de ne pas aller au bras de fer avec Berlin, mais plutôt de chercher une voie de conciliation.
Chocojo : Bonjour, sait-on quand Macron compte-t-il dévoiler d’autres parties de son programme ? Ces annonces par bribes rentrent-elles dans une stratégie électorale rodée (pour obtenir plus de présence dans les médias) ?
Audrey Tonnelier : Bonjour, il est effectivement plus courant de présenter le cadrage budgétaire d’un programme en annexe de celui-ci. Emmanuel Macron a indiqué qu’il dévoilera son « contrat avec la nation » le 2 mars prochain.