Le programme justice et sécurité de Macron, entre fermeté et simplisme
Le programme justice et sécurité de Macron, entre fermeté et simplisme
Par Jean-Baptiste Jacquin
Le jeune candidat à la présidence de la République cherche à responsabiliser les juges afin que les peines de prison qu’ils décident soient effectivement exécutées.
Emmanuel Macron, le 6 mars. | ERIC PIERMONT / AFP
Le programme d’Emmanuel Macron en matière de justice, présenté jeudi 2 mars, affiche un spectaculaire durcissement de la justice pénale, non sans quelques étonnantes contradictions. Il fait sien le slogan venu de la droite, repris depuis quelques années par des responsables socialistes comme Manuel Valls, selon lequel « la sécurité est la première de nos libertés », justifiant « la tolérance zéro lorsqu’il s’agit de sécurité ».
Côté fermeté, le candidat affirme que toute décision de justice doit être exécutée. Et ce dès la première instance. Précision prise auprès de l’équipe de campagne : le « programme » officiel pouvait prêter à confusion… Cette proposition ne concerne que la justice civile. L’appel n’y sera plus suspensif « sauf exception », ce qui serait une véritable révolution. L’idée de l’ancien ministre de l’économie est de combattre les procédures d’appel qu’il considère comme dilatoires et qui retardent le paiement d’une indemnité ou le règlement d’un différent. Il y voit des freins à la croissance économique.
Autre proclamation martiale, « toute peine prononcée sera exécutée », avec comme justification une critique de la situation actuelle où « les peines prononcées inférieures à deux ans ferme ne sont que très rarement exécutées et les délais de traitement sont tels que certaines peines ne sont jamais exécutées. »
Revoir les aménagements de peine
Il ne va pas jusqu’à affirmer, comme François Fillon dans son projet, la contrevérité selon laquelle « le nombre de peines de prison ferme non exécutées oscille depuis plusieurs années entre 80 000 et 100 000 ». Il s’agit en réalité de peines en attente d’exécution et/ou d’aménagement, car le mandat de dépôt n’est prononcé à l’audience que dans 30 % des condamnations à de la prison ferme. Le nombre de peines non exécutées, le plus souvent parce que la justice et la police ne parviennent pas à remettre la main sur ces condamnés, est inférieur à 5 %.
La critique du système actuel se concentre, en réalité, sur la possibilité d’aménager les peines inférieures à deux ans de prison. Le candidat d’En marche ! dénonce, comme le candidat Les Républicains, ce dispositif d’individualisation de la peine que la loi de 2009 portée par Rachida Dati avait considérablement élargi. Il faut dire que la justice a perdu en lisibilité, voire en crédibilité, avec les injonctions contradictoires du législateur qui d’une main encourage les juges à davantage de sévérité dans les peines, et de l’autre impose des aménagements et des réductions automatiques de peine.
Mais la solution proposée par M. Macron paraît simpliste : « Toute personne condamnée à une peine de prison ferme (…) devra être effectivement incarcérée avant que ne soient envisagées des mesures d’aménagement de cette peine. » Pour Jean-Paul Céré, président de l’Association française de droit pénal, une telle mesure « risque de faire augmenter de manière magistrale la population carcérale, ce qui est contradictoire avec l’objectif qu’il reprend dans son programme de 80 % des détenus en cellule individuel ».
Responsabiliser les juges
Professeur à l’université de Pau, il souligne que le principe de l’aménagement de la peine est de l’individualiser en fonction de la situation de la personne. « Or, il n’y a rien de plus désocialisant que l’incarcération qui peut faire perdre emploi et logement. » Cela reviendrait à aménager une peine après avoir fragilisé les conditions de réinsertion.
Dans le même temps, M. Macron écrit que « la prison ne doit pas être l’unique peine, car elle n’est pas toujours la plus efficace ». Dans un plaidoyer, apparemment contradictoire avec sa proposition précédente, pour les peines en milieu ouvert, il annonce vouloir créer « une agence des mesures alternatives à l’incarcération pour encourager le développement des travaux d’intérêt général ».
Il semblerait que le jeune candidat à la présidence de la République cherche à responsabiliser les juges, afin que les peines de prison qu’ils décident soient effectivement exécutées, et qu’en conséquence, ils en prononcent moins. Une révolution culturelle qui tient d’un pari sans filet, tant les gouvernements n’ont pas de prise sur les décisions des juges. Il suffit de voir ce que les tribunaux correctionnels ont fait de la contrainte pénale pourtant soutenue depuis deux ans comme une priorité de la politique pénale.
Construire 15 000 places de prison
Les chiffres qui claquent viennent à l’appui du discours. M. Macron annonce la construction de 15 000 places de prison (il reprend le programme de Jean-Jacques Urvoas) et le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes. Comme François Fillon, il propose de sanctionner l’usage du cannabis par une simple contravention, afin de réprimer de façon plus systématique ce délit sans engorger la justice avec ce contentieux de masse.
Mais l’une des propositions qu’il a mise en avant détonne. Permettre aux policiers, « sous contrôle d’un juge, d’interdire à un individu générateur de troubles la fréquentation d’un lieu durant un certain temps ». Cette mesure étonne car, selon la Constitution, seul un juge peut décider d’une mesure privative de liberté. Le candidat d’En marche ! devra préciser encore le détail technique de certaines de ses propositions pour construire sa crédibilité en matière de police et de justice qui ne sont pas ses thèmes de légitimité naturelle.