Endométriose : « J’étais soulagée de connaître enfin l’origine de ma douleur »
Endométriose : « J’étais soulagée de connaître enfin l’origine de ma douleur »
Par Feriel Alouti
La treizième Semaine européenne de prévention et d’information sur cette maladie, touchant environ 10 % des femmes, se tient du 6 au 12 mars dans toute la France.
Campagne d’information de l’association Info endométriose. | INFO-ENDOMETRIOSE.FR
Céline avait 32 ans lorsque son endométriose a été diagnostiquée… sur une table d’opération. « On devait m’enlever un kyste à l’ovaire gauche, mais quand le chirurgien a ouvert, il s’est aperçu qu’il y avait des lésions d’endométriose sur les organes digestifs : le rectum, le colon et la vessie », se souvient-elle. Comme Céline, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), environ 10 % des femmes en âge de procréer sont touchées par cette maladie encore trop mal connue. Un chiffre en augmentation régulière.
Souvent mal diagnostiquée, cette affection est caractérisée par la présence de tissu utérin (ou tissu endométrial) en dehors de la cavité utérine. La douleur gynécologique est le symptôme le plus courant de la maladie : 40 % des femmes qui souffrent de douleurs chroniques pelviennes, en particulier au moment des règles, sont atteintes d’endométriose, constate ainsi l’Inserm.
La douleur peut également se manifester lors des rapports sexuels, au moment de la défécation ou de la miction. Et 30 % à 40 % des femmes atteintes rencontrent également des problèmes de fertilité.
Décrite pour la première fois en 1860 par le médecin Karel Rokitansky (1804-1878), l’endométriose a longtemps été « occultée », estime Erick Petit, radiologue et fondateur du centre de l’endométriose à l’hôpital Saint-Joseph, à Paris. « Il y a un tabou lié aux règles et à la douleur féminine en général, poursuit Nathalie Clary, présidente de l’association Endomind. Les femmes se disent que c’est normal d’avoir mal. »
C’est pour leur permettre de mieux s’informer que se tient, du 6 au 12 mars, la treizième Semaine de prévention et d’information sur l’endométriose. Car encore « beaucoup comprennent qu’elles ont une endométriose » uniquement « lorsqu’elles arrêtent la pilule et qu’elles ne parviennent pas à avoir un enfant », constate Mme Clary.
Sept ans pour poser un diagnostic
Il a fallu quatre ans pour que Barbara, 32 ans, découvre l’origine de son mal de ventre. Souvent paralysée par la douleur, elle décide, en 2008, d’aller voir sa gynécologue, qui lui propose de la mettre sous progestatif (hormone stéroïdienne). « Elle m’a seulement dit : “Si ce traitement marche, c’est que c’est ça.” Je lui ai dit, “ça quoi ?” Elle m’a répondu : “On verra ça plus tard.” Avec du recul, je me dis qu’elle pensait à l’endométriose. »*
A partir de 2012, ses crises s’intensifient. Pour trouver ce dont elle souffre, Barbara entame quelques recherches sur Internet. Tous les symptômes correspondent à l’endométriose. Pour en être certaine, elle se rend à une conférence. Elle y rencontre un spécialiste. Trois jours plus tard, il l’ausculte, et confirme ses soupçons. « Quand j’ai compris que personne ne m’avait informée de cette maladie, j’ai ressenti de la colère. Puis du soulagement de connaître enfin l’origine de ma douleur. »
Pour l’endométriose, il faut en moyenne sept ans pour poser un diagnostic, les spécialistes étant encore trop peu formés. Selon le docteur Erick Petit, ils sont « à peine dix en France » à pratiquer une échographie pelvienne endovaginale, pourtant « la meilleure méthode » pour détecter la maladie.
Dès lors, face à la maladie, les femmes ont souvent le sentiment de devoir se prendre en charge seules. « Il y a un gros souci. On n’est pas suffisamment renseignés. C’est nous qui devons aller chercher les infos et faire en sorte de trouver le meilleur chirurgien », regrette ainsi Céline. « La prise en charge progresse doucement notamment grâce aux associations de patientes qui ont beaucoup sensibilisé le corps médical. Il y a encore dix ans, c’était le désert », relativise le Dr Petit.
« Tout le monde joue les apprentis sorciers avec cette maladie »
L’endométriose n’est pas une maladie dont on guérit. Pour soulager, voire éradiquer, la douleur qui apparaît le plus souvent au moment des règles, les médecins prescrivent à leurs patientes une pilule en continu. Mais lorsque la maladie se propage, l’opération s’impose. Parfois, certains organes sont si endommagés qu’il faut en enlever une partie. « On m’a retiré quinze centimètres de mon intestin », explique ainsi Barbara. Malgré une santé chancelante, la jeune femme et son compagnon espèrent toujours devenir parents. Pour y parvenir, ils ont entamé une fécondation in vitro (FIV).
Après avoir envisagé cette méthode, Géraldine, 36 ans, a, elle, décidé qu’elle ne serait jamais mère : « Lorsqu’on m’a opérée, il a fallu m’enlever une trompe, ce qui a endommagé ma fertilité. A ce moment-là, je me suis demandé si j’avais vraiment envie d’avoir un enfant et d’entreprendre autant de chose pour y parvenir. Et j’ai compris que non. » Depuis, sous pilule en continu, Géraldine ne saigne plus. Et ne ressent plus aucune douleur.
A 34 ans, Céline a, elle, déjà tenté deux FIV, en vain. Elle en ferait bien une troisième, mais elle doit avant tout se rétablir. Cet été, la jeune femme a fait un arrêt cardiaque. Si les médecins n’en ont toujours pas trouvé l’origine, Céline émet une hypothèse :
« A l’époque, je prenais un traitement pour avoir une ménopause artificielle. Forcément, je me demande s’il y a un lien. Tout le monde joue les apprentis sorciers avec cette maladie, mais il faut que les recherches avancent car se serait grave de prendre des risques mortels pour une maladie qui ne l’est pas. »
Quand faire l’amour devient « synonyme de douleur »
Les douleurs provoquées par l’endométriose ont de lourdes conséquences sur le quotidien de ces femmes. « Quand vous avez mal au ventre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cela devient compliqué de faire les courses, le ménage ou de voir des amis », témoigne Céline. Parfois « incomprises », on les soupçonne d’être des « chochottes » ou des « feignantes », déplore pour sa part Barbara.
Sans parler de la vie professionnelle. Il y a quatre ans, la jeune femme a dû se résoudre à quitter son travail. « Mes absences gênaient trop mon employeur », dit-elle. Reconnue en 2014 « travailleur handicapé » – « ce qui est très, très rare pour une personne atteinte d’endométriose » –, elle occupe désormais un emploi à mi-temps. Pour cela, elle a dû revoir ses « ambitions à la baisse ». Auparavant cadre dans la finance à Paris, elle occupe aujourd’hui un poste d’assistante administrative à Montpellier.
Quant à leur vie sexuelle, Barbara et Céline n’en attendent plus grand-chose. Car faire l’amour est, trop souvent, « synonyme de douleur ». « On est un couple de petits vieux », glisse, presque résignée, Barbara.