Une jeune fille défie le taureau de Wall Street au nom de la diversité
Une jeune fille défie le taureau de Wall Street au nom de la diversité
Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)
La statue installée face au « bull », à deux pas de la Bourse, veut sensibiliser à la présence des femmes dans les conseils des grandes entreprises.
La statue d’une jeune fille a été installée, le 7 mars, devant le taureau de Wall Street. | BRENDAN MCDERMID / REUTERS
Le taureau de Wall Street, cette sculpture en bronze qui trône au beau milieu de Bowling Green Park, à deux pas de la Bourse de New York, dans le sud de Manhattan, s’est trouvé de la compagnie. Depuis mardi 7 mars, la statue d’une jeune fille, mains sur les hanches et menton relevé, défie l’animal, qui fait le bonheur des touristes voulant immortaliser un symbole de la hausse des marchés financiers.
A l’origine de cette mise en scène, l’un des plus gros gestionnaires de fonds de la planète, State Street Global Advisors, qui gère près de 2 500 milliards de dollars d’actifs. Son but est de faire coïncider la journée internationale des droits des femmes du 8 mars avec une cause qui lui tient à cœur : la présence de plus d’administratrices dans les conseils des grandes entreprises.
Pour la faire avancer, outre l’installation de cette statue, State Street Global Advisors a envoyé parallèlement une lettre à 3 500 entreprises pour leur demander d’améliorer la diversité au sein de leur conseil d’administration. Selon le gestionnaire de fonds, celle-ci permet d’améliorer la performance des sociétés et par là même d’augmenter les revenus des actionnaires.
Une enquête publiée en décembre 2016 par la société de services financiers MSCI a ainsi étudié les performances financières de 580 sociétés entre 2011 et 2016. Cette étude montre que le retour sur investissement et le bénéfice par action des entreprises qui comptaient au moins trois femmes au sein de leur conseil d’administration étaient supérieurs à celles où pas une seule administratrice ne siège.
« Prendre des mesures concrètes »
Il est vrai qu’en matière de diversité, les entreprises ont encore beaucoup de progrès à faire. Parmi l’indice Russell 3 000, qui regroupe les 3 000 plus grands groupes cotés américains, près de 25 % ne comptent aucune femme dans leur conseil d’administration. Pour 58 % d’entre eux, la proportion d’administratrices est inférieure à 15 %, selon l’Institutional Shareholder Services. Par ailleurs, les recherches effectuées par la société Equilar pour le Wall Street Journal montrent que 76 conseils d’administration ne comptent aucune femme depuis au moins dix ans.
L’initiative de State Street Global Advisors n’est pas anodine. Il s’agit d’un acteur majeur de Wall Street. La lettre envoyée mardi aux grandes entreprises est un brin menaçante. Le gestionnaire prévient qu’il pourrait voter contre les nominations de nouveaux administrateurs si les groupes qui renouvellent leur conseil n’apportent pas la preuve qu’ils font des efforts pour améliorer la diversité.
« Aujourd’hui, nous demandons aux entreprises de prendre des mesures concrètes pour accroître la diversité au sein de leurs conseils d’administration et nous avons donné des directives claires pour les aider à commencer », affirme Ron O’Hanley, le patron de State Street.
Cette démarche a obtenu le soutien de certains fonds de pension comme CalSTRS, celui des enseignants de Californie. « Les entreprises ont besoin d’intensifier et de mieux utiliser les talents et le leadership des femmes dans leurs conseils. Cette statue de jeune fille envoie un signal audacieux aux marchés financiers pour dire que l’avenir dépend de l’investissement dans le pouvoir des femmes. Nous devons tous nous soucier et être audacieux pour changer dès maintenant », estime Chris Ailman, le responsable des placements de CalSTRS.
State Street Global Advisors n’en est pas à son coup d’essai. En 2015 la société avait également mené un combat similaire pour réclamer un raccourcissement des mandats d’administrateurs. Elle était ainsi intervenue dans 380 assemblées générales dont un tiers avait finalement accepté de nommer au moins un nouvel administrateur dès 2016.