Un couple suspecté de s’être abusivement fait passer pour victime de l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, doit être jugé par le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes), mercredi 19 avril. Ce même couple a déjà été jugé et condamné en décembre 2016 à des peines de prison ferme (six ans pour l’homme, trois ans pour la femme) pour avoir faussement prétendu être victime des attentats de Paris, en novembre 2015. Le couple a fait appel de cette décision.

A l’image de cet homme et de cette femme, un certain nombre de personnes se sont manifestées auprès du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGTI) au lendemain des attaques qui frappèrent Paris et Saint-Denis en novembre 2015, puis de celle qui a touché Nice, pour obtenir des indemnisations sur la base de faux témoignages. « Ils ont profité de la situation de chaos post-attentats pour s’engouffrer dans la brèche », relève Me Clerc, l’avocat du FGTI. Face à un nombre de victimes sans pareil, les autorités ont mis plusieurs mois à déceler les usurpateurs.

Selon le parquet de Paris, moins d’une dizaine de dossiers ont été judiciarisés. Certaines affaires ont déjà été jugées. La première fausse victime – préalablement connue pour une affaire d’escroquerie – a été condamnée en novembre 2016 à un an de prison ferme pour avoir monté un dossier d’indemnisation en se faisant passer pour une rescapée de la terrasse du Carillon à Paris. Depuis les attentats de Paris et Nice, cinq condamnations, allant de six mois de prison avec sursis à six ans de prison ferme, ont été prononcées pour des escroqueries ou tentatives d’escroqueries du FTGI.

Ces fausses victimes figuraient sur les différentes « liste unique des victimes » (LUV) établies par le parquet de Paris au lendemain des attentats du 13 novembre, puis de celui du 14 juillet. Ces listes, qui comptent 1 800 personnes (1 649 sur la LUV pour le 13 novembre et 151 pour le 14 juillet), ont été transmises au FGTI en vue de l’indemnisation des victimes et de leurs proches.

Preuves réclamées

Deux mois après les attentats du 13 novembre, une première somme a été versée par le FGTI aux personnes inscrites sur la LUV. Le temps des vérifications est venu plus tard. Le fonds de garantie a ensuite réclamé des preuves, comme des témoignages, des photos, des données de géolocalisation, des textos, des certificats médicaux attestant de blessures physiques ou psychologiques.

« Dans l’immense majorité des cas, il n’y a aucune difficulté particulière quant à la qualité de victime des demandes que nous recevons », assure Me Clerc, qui précise qu’il « n’y a pas de profil type » de fausse victime, mais qu’il s’agit toujours « d’escrocs d’habitude », c’est-à-dire de personnes qui sollicitent régulièrement différents organismes d’indemnisation pour obtenir de l’argent.

« Les fausses victimes connaissent généralement bien le système. Savent qu’il faut se manifester rapidement et sollicitent les fonds d’indemnisation quelques jours après les faits », confirme Me Aurélie Coviaux, avocate spécialisée dans la défense des victimes.

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Si la bonne foi des victimes est toujours présumée, les usurpateurs sont généralement confondus en raison de témoignages confus et de fausses blessures, poursuit Me Coviaux. Un constat partagé par Me Clerc :

« Certains arrivent avec des dossiers où les certificats médicaux témoignent de blessures très graves, alors que l’on constate qu’ils n’avaient pas été pris en charge par les services d’urgence. »

Pour les vraies victimes, ces affaires d’usurpation affectent le processus de reconstruction déjà éprouvant, fait savoir Me Aurélie Coviaux :

« Ces fausses victimes alimentent le fantasme sur le fonds d’indemnisation, alors qu’en réalité les victimes ne sont pas intéressées par l’argent, elles s’excusent souvent d’endosser ce statut et de demander de l’argent. »