Ce que l’on sait du nouveau Vélib’
Ce que l’on sait du nouveau Vélib’
Par Éric Béziat
Le consortium Smoovengo, qui a gagné l’appel d’offres du vélopartage à Paris, a levé un coin du voile sur le futur service.
Un nouveau vélo fait son apparition, moins lourd que l’actuel de deux kilos, et doté d’un système antivol censé être très robuste. | PHILIPPE LOPEZ / AFP
Le tribunal administratif de Paris l’a confirmé le 4 mai dernier : l’emblématique marché des vélos en libre-service parisiens échappe à son créateur JCDecaux, opérateur historique des fameux Vélib’. Le syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole, qui regroupe Paris et une centaine de communes partenaires, a en effet choisi le consortium Smoovengo pour mettre en œuvre pendant quinze ans, à compter du 1er janvier 2018, une offre renouvelée de bicyclettes partagées.
Le contrat d’attribution du marché a été signé mardi 9 mai et, mercredi 10 mai, les représentants de Smoovengo accompagnés de Marie-Pierre de La Gontrie, conseillère PS de Paris et présidente du syndicat mixte, présentaient publiquement pour la première fois les contours (encore flous à bien des égards) de Vélib’ 2.
- Qu’est-ce que Smoovengo, ce consortium qui a raflé le Vélib’à JCDecaux ?
C’est un quarteron d’entreprises qui a emporté le marché de 600 à 700 millions d’euros sur quinze ans. Il est mené par Smoove, une jeune PME de Montpellier qui a fait breveter un système de verrouillage pour vélos très performant et qui gère déjà des flottes en libre-service – 715 stations, 8 800 vélos – dans 26 villes en France et dans le monde.
Avec le marché parisien, la plus grosse offre de vélo en libre-service au monde (25 000 vélos, 1 000 à 1 600 stations), Smoove change de dimension. L’entreprise s’est donc adjoint le soutien logistique, financier, industriel et juridique d’acteurs de plus grande dimension : Indigo, leader mondial du stationnement, et Mobivia, champion européen de l’entretien automobile (marques Norauto, Midas).
Le quatrième larron, Moventia, est un groupe catalan spécialisé dans la mobilité et le transport public, déjà partenaire de Smoove pour les vélos en libre-service d’Helsinki. L’entreprise est chargée de mener à bien le déploiement des stations, matériel comme logiciel, et d’assurer la qualité de service pendant la durée du contrat.
- Pourquoi a-t-il gagné ?
« Nous avons gagné car notre solution est moins chère » a expliqué en conférence de presse, mercredi, le président fondateur de Smoove, Laurent Mercat. JCDecaux a d’ailleurs décidé d’attaquer en justice la décision d’attribution, dénonçant le « dumping social » de son concurrent, retenu « à cause de son faible coût ». Débouté en première instance, JCDecaux a affirmé vouloir porter l’affaire devant le conseil d’Etat.
Mais le comparatif des deux offres a aussi pesé dans la balance. Le syndicat mixte Autolib’ et Velib’ Métropole, autorité décisionnaire dans l’appel d’offres, met en avant les « plus » de Smoovengo : lutte contre le vandalisme améliorée, possibilité de laisser son Velib’à une station déjà pleine, possibilité de créer des stations éphémères lors d’événements sportifs ou culturels…
- Qu’est-ce qui va changer concrètement ?
Quasiment tout. Un nouveau vélo fait son apparition, moins lourd que l’actuel de deux kilos, et doté d’un système antivol censé être très robuste. Les 1 200 stations de JCDecaux seront donc démantelées (aux frais de l’ancien exploitant affirme le syndicat mixte), pour être remplacées par les 1 000 à 1 600 nouvelles stations conçues par Smoovengo.
Autres nouveautés : 30 % de la flotte sera à assistance électrique et le système de réservation évolue radicalement. Les usagers pourront utiliser leur smartphone pour réserver, déverrouiller, rendre son Vélib’. L’engin sera équipé d’un support sur le guidon permettant d’arrimer son téléphone et de le transformer en GPS, connecté en Bluetooth au vélo. Enfin, les modèles électriques seront dotés d’une prise USB permettant la recharge du portable.
On pourra cependant toujours attraper son Velib’ à la station, « à l’ancienne », à l’aide d’une carte de transport ou en payant par carte bancaire pour les locations ponctuelles.
- Quels seront les tarifs du nouveau Vélib’?
Le changement d’offre pourrait entraîner une hausse des tarifs, mais ils seront fixés par un vote du syndicat mixte a prévu à l’automne. Mme de La Gontrie a reconnu que le prix de l’abonnement actuel, qui est de 29 euros par an pour un nombre illimité de trajets avec la gratuité des trente premières minutes de chaque trajet, « n’a pas grand-chose à voir avec le réel » des équilibres économiques. Mais pas question d’augmenter fortement les prix.
On devrait donc se diriger vers un système multiformule comportant un abonnement intégral vélos classiques et vélos électriques plus cher que l’offre actuelle, un abonnement pour les seuls vélos mécaniques dont le tarif ne devrait pas beaucoup augmenter par rapport aux 29 euros actuels et enfin plusieurs systèmes pour les usages ponctuels.
- Que va-t-il se passer pour les abonnés actuels ?
Le syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole l’affirme : le transfert des abonnements se fera sans douleur pour les abonnés. Les abonnements souscrits en 2017 seront repris par Smoovengo. Ils basculeront sur la formule vélos mécaniques du nouveau Vélib’.
En revanche, toutes les formalités bancaires (autorisation de prélèvement, transmission de RIB, cautionnement par carte de paiement) sont à refaire avec le nouvel exploitant. Les 300 000 abonnés actuels du service Vélib’ (dont 275 000 Parisiens) vont être contactés par Smoovengo afin de préparer sans trop d’à-coups la transition.
- Quel est le calendrier du passage de relais ?
Après une présentation du nouveau vélo au public cet été et la mise en place de la tarification à l’automne, le remplacement progressif des anciennes stations par les équipements Smoovengo devrait commencer en octobre. Les deux services sont censés cohabiter jusqu’au 31 décembre.
Le lendemain, 1er janvier 2018, sonnera la fin définitive du vieux Vélib’ et la mise en service officielle des nouvelles stations. Le déploiement se poursuivra de janvier à mars, avec comme objectif que 100 % des stations fonctionnent le 31 mars.
- Quel sera le périmètre géographique de Velib’2 ?
Il est encore incertain. La centaine de communes partenaires d’Autolib’et Vélib’Métropole a jusqu’à la fin juin pour décider si elles proposeront à leurs administrés le service modernisé de vélopartage. Cela représente un coût – non négligeable pour les villes – de 10 000 euros par station installée. Sans une aide financière de la Métropole du Grand Paris atténuant la facture, les communes limitrophes auraient payé un prix par station de 20 000 euros, comme la capitale. Actuellement quatorze communes en plus de Paris permettent d’accéder à Vélib’, mais ce nombre pourrait augmenter l’an prochain.
- Que va-t-il arriver aux salariés du Vélib’actuel ?
Cela reste flou, même si le sort des 315 salariés de Cyclocity, filiale de JCDecaux, a été un tant soit peu clarifié par la justice. Le 4 mai, le tribunal administratif a rappelé que si les juges administratifs confirment le choix de Smoovengo, le transfert des effectifs au 1er janvier 2018 « est une obligation légale » pour le nouvel exploitant. Une forme de garantie pour les employés inquiets.
Mais les conditions du transfert et le nombre de personnes transférées restent incertains. « Smoovengo a pris l’engagement de proposer en priorité aux salariés de l’actuel exploitant, que ce dernier ne voudrait pas garder pour ses autres activités, de rejoindre le nouvel exploitant », indique le consortium dans son communiqué de presse. Par ailleurs, Smoovengo souhaite adopter une autre convention collective pour les personnels au service des Vélib’ que celle utilisée actuellement (commerce des articles de sport), peut-être au profit de la convention collective régissant l’activité de location de cycles.
Yann Marteil, directeur général délégué de Mobivia et chargé du dossier social pour Smoovengo, s’est voulu rassurant. « On ne prévoit pas de fonctionner avec moins de gens, a-t-il affirmé le 10 mai. Vu la situation du sortant qui dans son marché actuel n’est pas que sur du vélo mais a d’autres enjeux, notamment de publicité, et vu l’extension possible du périmètre à davantage de communes, on n’a aucune raison à ce stade d’imaginer que ça puisse générer des problèmes sociaux, à partir du moment où les deux côtés ont envie que ça se passe bien. »