Rapides et capables de prendre l’apparence de n’importe quel objet, les mimics sont plus redoutables qu’ils n’en ont l’air. | Bethesda

Prey, le nouveau jeu du studio Arkane, est sorti le 5 mai sur PC, PS4 et Xbox One. Par rapport à son prédécesseur, Dishonored 2, le changement de ton est radical : adieu les cabrioles et l’ambiance victorienne, Prey nous embarque dans une dimension parallèle où JFK a vécu centenaire et où l’exploration spatiale a mis en orbite des vaisseaux de la taille de villes.

Pourtant, malgré le dépaysement, les Franco-Texans continuent de faire vibrer les deux mêmes cordes : celle de la proie et celle du chasseur, ou, si l’on préfère, du héros et de l’explorateur.

Visiblement victime d’expériences qui lui ont coûté la mémoire, le docteur Morgan Yu se réveille à bord de Talos-1, tombée entre les pattes d’aliens polymorphes plutôt mal intentionnés. Pour éviter que la contamination ne s’étende à la Terre et n’éradique l’humanité, Yu doit détruire la station spatiale, au détriment de sa vie et de celle de ses coéquipiers. C’est un héros, mais aussi une proie : les aliens, redoutables, sont beaucoup trop rapides ou beaucoup trop puissants pour lui. Alors il ruse, les paralyse avec un pistolet à colle, les affaiblit d’une grenade bien placée – ou, idéalement, les contourne.

Tout est possible

Pour parvenir à ses fins, Morgan va parcourir en long, en large et même en dehors une citadelle en proie au chaos, pour rallumer des machines, accéder à des outils. Le docteur peut théoriquement pousser chaque porte de Talos-1 et ramper dans chacun de ses conduits. Mais avant ça, il (ou elle) devra débloquer un par un les accès de cette station en état de siège.

La ritournelle est vieille comme le jeu vidéo : une porte fermée, dans ce genre de jeux, c’est souvent signe qu’il faut dénicher la bonne clé, ou trouver un post-it ou un mail avec le bon code. A la rigueur, faute de porte ouverte, un conduit d’aération fait parfois l’affaire. La recette est bien connue, et la soupe pourrait paraître un peu tiède.

Prey - 8 Minutes of Gameplay

Ce serait sans compter sur le talent d’Arkane, capable de réinventer en permanence le concept de chemin alternatif en proposant un éventail apparemment infini de solutions à chaque problème. Infini, et surtout, toujours cohérent avec l’architecture de la station. On n’y réfléchit plus en tant qu’adepte de jeu vidéo conscient des ficelles de l’exercice et ses facilités, mais en véritable petit MacGyver de l’espace, perdu à bord d’un vaisseau en perdition où tout est possible, parce que plus personne n’est là pour nous l’interdire.

C’est parce que les développeurs ont (...) pensé à toutes les règles qui régissent l’architecture, la physique et la logique (...) que le joueur peut le mieux s’y soustraire

C’est d’ailleurs parce que les développeurs ont semble-t-il pensé à toutes les règles qui régissent l’architecture, la physique et la logique du Talos-1 que le joueur peut le mieux s’y soustraire. Un sas fermé ne le reste pas longtemps une fois que celui-ci a compris qu’il peut en atteindre l’interrupteur en tirant, à distance, une fléchette en mousse avec une arbalète-jouet. Quitte, s’il faut réaliser pour cela un rebond improbable, à tirer une boule de colle ou à déplacer un objet par télékinésie pour viser la trajectoire parfaite.

Mais le joueur aurait aussi pu utiliser son pouvoir de mimétisme pour se transformer en tasse à café ou en n’importe quel objet, et se glisser par la fenêtre mal fermée. Ou encore, au hasard, éteindre le courant dans le secteur avant de forcer la porte. A moins qu’il ne se décide à contourner entièrement le secteur, quitte à enfiler sa combinaison et à passer par l’extérieur de la station, lors d’une petite séquence en apesanteur.

Davantage qu’une station spatiale, Talos-1 est un bac à sable rempli de problèmes, le joueur se retrouvant, comme dans le récent The Legend of Zelda Breath of the Wild, très rapidement en possession de tous les éléments qui vont lui permettre de créer ses propres solutions.

C’est le second aspect de Prey : une fois en pleine possession de ses moyens, Morgan Yu n’est plus simplement une proie, mais aussi un explorateur avide d’expérimentations délirantes, un chasseur qui fait du Talos-1 son terrain de jeu, sans plus vraiment se soucier de sa mission initiale. Un Rambo autant qu’un MacGyver.

« Prey » partage beaucoup de son ADN avec « Bioshock », lui aussi héritier du vieux « System Shock ». | Bethesda

Morale et liberté

C’est aussi là que, paradoxalement, le bât blesse. Riche de ses trouvailles, de ses compétences qui s’améliorent, de son arsenal qui s’enrichit, le joueur pourrait avoir envie de faire demi-tour, et de retourner se confronter à des défis qu’il aurait initialement ratés.

Le jeu nous le permet, et a d’ailleurs sans doute été conçu dans cette optique, tant il regorge d’objectifs secondaires et de missions non linéaires. Sauf que de facto, nous en sommes découragés, par des ennemis qui réapparaissent toujours plus puissants, par des options de navigation qui demandent un véritable effort d’apprentissage.

Si le joueur ne s’en donne pas la peine, l’explorateur disparaît alors peu à peu derrière le héros, tandis qu’il devient toujours moins gratifiant de retourner en arrière et que la quête au sein du Talos-1 ressemble de plus en plus à une course en avant.

Mais on pinaille.

On pinaille d’autant plus que la liberté que propose Prey ne se limite pas aux phases d’action et d’exploration, mais se retrouve aussi dans ses choix moraux.

« Vais-je prêter main-forte à tel inconnu croisé au hasard de mes aventures ? Qu’est ce que ça va me coûter ? Qu’est ce que ça va me rapporter ? »

Dans n’importe quel titre, ces choix n’en sont jamais vraiment : un joueur complétiste et pas totalement sociopathe aura toujours tendance à sauver son prochain, peu importe l’ambiguïté de la mise en scène.

Dans Prey, ces choix questionnent véritablement le joueur : est-ce si raisonnable de sauver les passagers d’une station spatiale que l’on s’apprête à saborder ? Faut-il leur offrir de faux espoirs, ou une fin précoce (et possiblement plus humaine) ? Et si, ici, le vrai méchant était celui qui faisait inutilement miroiter un répit à des coéquipiers de toute façon condamnés à disparaître avec lui ? Là, le chasseur et la proie s’effacent, pour laisser entrapercevoir l’humain au milieu : ce n’est pas la moindre des réussites de Prey.

Si les phases en apesanteur sont plutôt réussies, la navigation à l’extérieur de la station devient vite assez confuse. | Bethesda

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • Les armes non conventionnelles (dont le pistolet à colle)
  • Les pouvoirs complètement délirants (la transformation en objet)
  • L’ambiance fantastique de vaisseau en perdition
  • La cohérence de l’environnement et la liberté qu’il offre
  • La possibilité d’explorer aussi, en apesanteur, l’extérieur du vaisseau

On n’a pas aimé :

  • Les cartes et les quêtes, pas toujours faciles à suivre...
  • ... qui obligent le joueur complétiste à des allers-retours qui deviennent parfois pénibles

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous avez aimé Dishonored, System Shock ou Bioshock
  • Vous avez aimé Alien et The Thing
  • Vous avez aimé la bande-son de Doom (c’est le même compositeur)

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous n’aimez pas fouiller les poubelles pour jouer les MacGyver
  • Vous préférez Schwarzy à Stallone

La note de Pixels

Bioshock 4/5