Manifestation de salariés d’Allia France, le 21 octobre 2016 à Jona, en Suisse, devant le siège de la maison mère Geberit. Les employés du fabricant de sanitaires en céramique protestent contre la fermeture annoncée de deux usines françaises. | MICHELE LIMINA / AFP

Les 256 salariés des deux usines d’Allia France, fabricant de sanitaires en céramique, retiennent leur souffle. En mai 2016, la direction annonçait la fermeture des sites de Digoin (Saône-et-Loire) et de La Villeneuve-au-Chêne (Aube). La filiale du florissant groupe suisse Geberit (11 600 salariés dans 41 pays) pensait pouvoir boucler rapidement la procédure et fermer les usines, dont la production devait être délocalisée au Portugal notamment. Mais les salariés sont toujours là. Depuis un an, ils se mobilisent, soutenus par les élus locaux, pour sauver leurs emplois. Allia avait été rachetée en 2015 par Geberit au finlandais Sanitec, laissant espérer au personnel une relance des activités. Espoir déçu, colère intense.

Le 21 octobre 2016, avec des élus locaux, les salariés étaient partis à 400 en autocar à Jona, près de Zurich, en Suisse, où se trouve le siège de Geberit, pour arracher un entretien avec la direction du groupe. Mais comme lors de chaque démarche, le groupe renvoie la balle à Allia France, et inversement.

« Tradition industrielle »

Syndicats et élus locaux ont alerté les pouvoirs publics, la direction ne voulant pas discuter de solutions alternatives. « Nous demandions tous une remise en cause de la stratégie industrielle de la direction et que l’Etat fasse pression pour que s’ouvrent enfin des négociations », précise Fabien Genet, maire divers droite de Digoin, qui ne veut pas perdre les 176 emplois du site Allia dans sa commune. « La céramique, c’est dans nos gênes, c’est la tradition industrielle de la ville depuis 1870 », dit-il.

Délégués et élus locaux sont allés jusqu’à interpeller les actionnaires de Geberit à l’entrée de l’assemblée générale du groupe, à Jona, le 5 avril. Habillés en irréductibles Gaulois, ils ont distribué des tracts en trois langues pour expliquer leur situation.

En janvier, selon le calendrier de la direction, tous les salariés auraient dû être licenciés. Mais un grain de sable s’est glissé dans la procédure. Le plan de sauvegarde de l’emploi, qui ne peut être homologué en raison d’irrégularités juridiques, est suspendu. Au même moment, le groupe communique aux investisseurs sur son excellente progression en 2016 (une hausse de 8,3 % du chiffre d’affaires à 2,56 milliards d’euros) et ses perspectives favorables pour 2017, y compris en France. « C’était l’exact contraire de ce que la direction d’Allia nous expliquait depuis près d’un an, parlant de pertes, à nous faire presque pleurer », s’exclame M. Genet.

Des avancées

En février, la première réunion organisée au ministère de l’économie par l’ex-secrétaire d’Etat à l’industrie, Christophe Sirugue, met tout le monde autour de la table. « Le ministère a indiqué à la direction que le projet de fermeture des usines d’un groupe ultra-bénéficiaire n’était pas acceptable », rappelle Pierre-Gaël Laveder, représentant de l’intersyndicale Unsa-FO-CGT-CFDT-CFTC.

Le dialogue a débouché sur des avancées, avec des emplois sauvés, des reclassements, des créations d’activités, des préretraites, des formations, etc. Mais pour l’heure, « rien n’est écrit », tranche M. Laveder. Il reste des points à négocier. »

« C’est un baroud d’honneur, c’est humain, estime Jesus Cervantes, maire divers droite de La Villeneuve-au-Chêne. Mais je suis inquiet. Lors de la dernière réunion, j’ai trouvé l’attitude de Geberit rigide, agacée. Comme nous n’avons plus d’interlocuteur actuellement au ministère de l’économie, je crains que le groupe n’en profite pour passer en force. » Mais les irréductibles Gaulois sont « prêts, si besoin, affirme M. Laveder, à repartir au combat, avec la rage au ventre. »