« Pour mémoriser, le plus efficace, c’est de s’amuser »
« Pour mémoriser, le plus efficace, c’est de s’amuser »
Par Adrien de Tricornot
Comment organiser une journée de révision ? Y a-t-il des « trucs » pour apprendre efficacement et éviter le « trou noir » au bac ou à un autre examen ? Les conseils de Sébastien Martinez, champion de France de mémoire.
Photo d’illustration bac 2011 | MARTIN BUREAU / AFP
A l’approche du bac 2017 et autres examens, nombreux sont les candidats soucieux de réviser efficacement et inquiets à l’idée de devoir mémoriser les cours d’une année entière. Ingénieur des mines d’Alès et champion de France de mémoire 2015, Sébastien Martinez est devenu formateur en mémoire pour les élèves, les étudiants ou les professionnels. Il a publié l’an dernier Une mémoire infaillible. Briller en société sans sortir son smartphone (230 pages, Editions Premier Parallèle, 16 €).
Quels conseils donneriez-vous à tous ceux qui préparent le bac ou un autre examen ?
Si l’on est à un an ou à moins d’un mois de l’objectif, ce ne sont pas les mêmes stratégies à mettre en place. A moins d’un mois, il est encore temps d’améliorer sa méthodologie pour être plus efficace. C’est d’autant plus utile que les élèves devront continuer à améliorer leurs méthodologies tout au long de leur vie.
Mémoriser passe par quatre étapes : être capable de se motiver, comprendre l’information, la retenir et enfin, l’ancrer, c’est-à-dire ne plus l’oublier. Ce processus forme un cercle vertueux : lorsque l’on arrive à ancrer ses connaissances, on se sent compétent et on est motivé. Pour y parvenir, il existe toute une série d’outils et de méthodes à utiliser à chaque étape.
Quels conseils donneriez-vous d’abord pour s’y mettre, ou s’y remettre ?
Pour rester motivé, il ne faut surtout pas s’écœurer. C’est l’erreur que j’ai faite quand j’étais étudiant. Je travaillais deux heures et je faisais trente minutes de pause. Or, la pire des choses à faire, c’est de s’arrêter quand on en a marre et qu’on n’en peut plus. Il faut faire le contraire. Un peu comme à la télévision, lorsque la publicité arrive au meilleur moment du film, il faut faire une pause quand tout va bien.
Je recommande donc d’alterner 25 minutes de travail et 5 minutes de pause : c’est très simple à mettre en place. J’ai un élève qui travaille ainsi des journées entières alors qu’il avait du mal à travailler deux heures à la suite.
Les parents et l’entourage doivent aider l’enfant à se mettre dans ces conditions. Pour travailler vraiment 25 minutes, il faut vraiment faire taire toutes les sources de distractions – télévision, téléphone, etc. – et ne pas être choqué qu’ensuite l’élève fasse une pause de trois à cinq minutes.
Et ensuite ?
Quand vous êtes au volant de votre voiture et que vous regardez votre tableau de bord, il y a des pictogrammes mais aucun texte… et vous savez très bien ce que vous devez faire. Donc il est vraiment important de faire des fiches visuelles – par opposition aux fiches linéaires qui sont organisées en « 1 puis 2 » et « A puis B ». Le but est d’aller le plus vite possible à l’essentiel, en utilisant d’abord des tableaux, des schémas, et pour ceux qui les pratiquent déjà, des « cartes mentales ». En effet, comme l’a montré le principe de Pareto, 20 % des mots-clés suffisent à couvrir 80 % des compétences et des idées. De même que l’on utilise 20 % de sa garde-robe, 80 % du temps.
Quels sont les « trucs » que vous recommandez pour bien retenir ?
Pour bien mémoriser les contenus, il faut créer des associations d’idées, donner du sens et créer du lien. Cela peut être un lien logique, celui qui est le plus encouragé dans le système éducatif. Mais il ne faut pas négliger le lien loufoque, celui qui est favorisé pour les enfants de 8 ans… mais que l’on encourage peu à partir du secondaire. Par exemple, je me souviens de la capitale du Mali, car le nom me fait penser au boxeur Mohammed Ali (M. Ali)… et « Bam ! K.-O. ! », d’où : Bamako !
On a tous fait, un jour, cette expérience de travail en équipe où l’on part dans des délires, où l’on rigole et cela peut être utilisé pour apprendre de façon ludique. Le mode du cerveau le plus efficace, c’est de s’amuser, car on ne s’aperçoit pas du temps qui passe, et aussi car l’on est plus attentif.
Comment ensuite ne pas oublier ?
Beaucoup se disent que c’est cette étape finale, celle de la restitution ultérieure, qui pose problème, car ils avaient appris et ne se souviennent plus. En réalité, c’est parfois l’enchaînement qui pose problème, et pas le bout de la chaîne.
Ancrer dans sa mémoire, c’est répéter. Mais l’erreur classique, que font 90 % des élèves, c’est de relire leurs cours pour réviser. Or, il s’agit d’une perte de temps. Des études, aux Etats-Unis, ont montré que des étudiants qui relisent leurs cours ne s’en souviennent pas mieux que des étudiants qui ne les relisent pas. Ceux qui ont répondu à des questions, au contraire, sont en meilleure position.
La technique la plus efficace pour réviser est donc celle de la « feuille blanche » : écrire au brouillon ce que l’on a retenu d’une notion ou d’un passage du cours, laisser courir ses idées et les restructurer. Quand cette phase est bien finie, qu’elle ait été courte ou longue, on peut seulement ouvrir son cours et le relire, ce qui permet de corriger, et de focaliser sa lecture uniquement sur ce qui est faux ou oublié. On va ainsi gagner du temps dans ses révisions, et de l’efficacité.
Cela permet-il d’éviter le « trou noir » tant redouté le jour de l’examen ?
Cette question est en partie liée à l’entraînement et en partie au stress. Si l’on a révisé en relisant son cours, on ne s’est pas forcément bien préparé, c’est pourquoi je recommande la technique de la feuille blanche. Pour bien s’entraîner, il faut faire comme tout bon sportif, c’est-à-dire s’entraîner au même niveau de difficulté que le jour du match. Si l’on se prépare à courir un marathon de 42 kilomètres, on ne peut pas se contenter de courir 2 kilomètres par jour.
L’autre aspect, c’est le stress et donc la gestion des émotions. Pour faire face, il existe toute une palette de solutions, comme faire de la méditation, aller courir… Le principe, c’est qu’il faut se permettre d’évacuer le stress.
Ce que je recommande aussi comme outil simple, c’est le protocole de cohérence cardiaque, qui est bien connu et qui a été popularisé en France par le docteur David Servan-Schreiber : il s’agit de contrôler sa respiration par des exercices pour bien réguler son rythme cardiaque, se sentir plus centré et affûté dans une attitude fluide et harmonieuse. Le protocole de base consiste à alterner cinq secondes d’inspiration et cinq secondes d’expiration pendant cinq minutes. Mais il faut évidemment se renseigner davantage avant de commencer.
Que conseillez-vous pour l’alimentation des candidats ?
S’alimenter, c’est mettre en œuvre tout ce qui conduit le corps à être en bonne santé. Par degré d’importance, il faut faire attention à plusieurs choses. D’abord, à s’oxygéner : dans une salle fermée ou pas assez aérée, le cerveau respire moins bien. Il faut aller dehors, faire du sport… Il faut ensuite s’hydrater, c’est-à-dire boire assez d’eau, comme pour le sport. Le sommeil joue par ailleurs un rôle important pour les facultés cognitives et la mémoire : il faut dormir 7 à 9 heures au moins, et être efficace aux mêmes horaires que ceux des futurs examens. Si l’on travaille jusqu’à quatre heures du matin et que l’on se lève à midi, on n’aura pas un cerveau efficace le matin. Enfin, l’alimentation « solide » est importante. Le conseil est toujours le même : manger de saison et local, éviter les sucres rapides, raffinés, que ce soit en poudre, les barres chocolatées, le sucre industriel… Le sucre appelle le sucre : certains ont peut-être déjà l’habitude d’en manger en travaillant, mais ce n’est pas la peine de s’y mettre. Mieux vaut du sucre naturel, celui des fruits par exemple.
Je ne conseille évidemment pas de dopants. Des compléments alimentaires sains et non chimiques (vitamine C ou D ou magnésium) ne posent pas de problème et peuvent avoir un effet « placebo » bénéfique. Mais il faut éviter tout ce qui agit directement sur les neurotransmetteurs. Pour mes championnats de mémoire, le seul complément que j’utilise, c’est l’eau !
Que peuvent faire les proches ?
L’important, c’est que l’entourage et les parents soient à l’écoute. Et il faut savoir qu’on ne peut pas gérer les émotions des autres. Beaucoup de parents viennent avec leurs enfants me parler de leur stress. Parfois, le stress ne vient que de la projection des parents sur leurs enfants. Gandhi l’avait très bien dit : « Tout le monde veut changer le monde, mais personne ne songe à se changer soi-même. »
Le livre de Sébastien Martinez, ingénieur et champion de France de mémoire 2015. | Premier Parallèle