Thomas Pesquet et Oleg Novitsky de retour sur Terre après six mois passés dans l’espace
Thomas Pesquet et Oleg Novitsky de retour sur Terre après six mois passés dans l’espace
Par Hervé Morin
Le dixième Français dans l’espace a atterri, comme prévu, vendredi au Kazakhstan, avec son collègue russe. Ils seront suivis pendant plusieurs mois pour étudier leur réadaptation après six mois passés à bord de la Station spatiale internationale.
Ces six mois dans l’espace « ont passé comme un clin d’œil », constatait Thomas Pesquet dans le dernier post du blog qu’il a tenu sur le site de Ciel & Espace pendant sa mission à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Vendredi 2 juin à 16 h 10 (heure de Paris), cette aventure a pris fin sans encombre à l’instant où la capsule Soyouz qui l’a ramené sur Terre en compagnie du Russe Oleg Novitski a atterri comme prévu dans la steppe kazakhe. Les deux équipiers ont aussitôt été pris en charge par des équipes médicales, le retour sur la terre ferme après un long séjour en quasi-apesanteur constituant une épreuve sur le plan physiologique.
Le Français, qui fait partie du corps des astronautes de l’Agence spatiale européenne (ESA), devait être transporté immédiatement à Cologne, au Centre européen des astronautes, où il arrivera dans la nuit de vendredi à samedi pour y subir une batterie de tests médicaux et retrouver ses proches. Il ne devrait reparler à la presse que lors d’une conférence prévue mardi 6 juin.
Le retour sur Terre de Thomas Pesquet s’est effectué sans anicroche, si ce n’est sans nostalgie. Mais comme à la fin des vacances, lorsqu’on est enfant, a-t-il indiqué à l’AFP, « au bout d’un moment, on est content de rentrer, de retrouver son chez-soi, sa famille, ses amis d’enfance et sa vraie vie ». Les deux passagers du vaisseau Soyouz ont laissé quatre camarades à bord de l’ISS, dont l’Américaine Peggy Whitson, qui les avait accompagnés à l’aller, mais qui restera jusqu’en septembre, et pulvérise les records américains – plus long séjour cumulé et plus grand nombre ex aequo de sorties extra-véhiculaires (10).
Peggy Whitson bat le record du nombre de sorties dans l'espace pour une femme
Durée : 00:57
Après les adieux et la fermeture du sas, le Soyouz s’est décroché de l’ISS. Six minutes après sa séparation, la capsule a allumé ses moteurs pendant une quinzaine de secondes, afin de prendre le large. Arrivée à 19 km de distance de la station, elle a redonné une impulsion de cinq minutes pour plonger vers la Terre avec l’angle d’entrée adéquat. Deux heures plus tard, juste avant de pénétrer dans la haute atmosphère, à 120 km d’altitude, le vaisseau s’est séparé du module orbital qui, comme celui de service, s’est désintégré au contact de l’air, tandis que les deux astronautes poursuivaient leur descente dans leur petite capsule, bientôt sous parachute. L’objectif était de passer de 28 000 km/h en orbite à 5 km/h au moment du contact avec le sol, sans souffrir des 1 600 °C engendrés par la friction de l’engin avec l’atmosphère. Objectif une nouvelle fois rempli à la perfection par le « taxi » spatial russe, à l’issue de cette 50e expédition vers l’ISS.
Succès technique donc. Mais c’est peu dire que la mission de Thomas Pesquet, dixième Français dans l’espace, quatrième dans l’ISS, où environ 200 personnes de nombreuses nationalités l’avaient précédé, a aussi été un succès public. Depuis le séjour de Leopold Eyharts (deux mois en 2008), le précédent représentant tricolore à bord de l’ISS, ce qui a le plus changé pour les astronautes, c’est sans doute l’avènement des réseaux sociaux. Avant même son envol depuis Baïkonour, le 17 novembre, Thomas Pesquet a pleinement utilisé ce nouveau média. Son fil tweeter regorge de superbes clichés de la Terre pris depuis la Cupola, ce balcon vitré offrant une vue imprenable sur notre planète – avec 4 500 tweets au compteur et plus de 550 000 « followers ».
Les plus belles photos de villes vues de l’espace par l’astronaute Thomas Pesquet
L’astronaute a beaucoup communiqué avec les médias, mais aussi avec les scolaires, notamment grâce au concours Astro Pi de programmation suivi par de nombreux établissements.
La mise en scène de sa vie à bord a culminé avec un clip mis en ligne par l’ESA quelques jours avant son retour, intitulé « New Eyes ». « Chaque matin quand je me réveille, je me demande ce que je vais faire, mais aussi qui je suis, et qui je vais devenir », dit-il en voix off. « Je suis un homme, avec d’autres hommes et femmes, dans un voyage de découverte. Et comme tout voyage, il vous conduit à vous découvrir vous-même, plus que d’autres endroits (…). D’ici, il est vraiment difficile de comprendre les frontières, les murs, la haine », énonce-t-il tandis que la planète défile sous son objectif.
New eyes
L’introspection et la contemplation de ce « joyau » qu’est la Terre, de sa « fragilité », n’étaient pas les seuls objectifs de la mission Proxima. L’ISS, avant-poste orbital en constante mutation, réclame un entretien de tous les instants : les astronautes sont avant tout des esclaves de la maintenance. Le premier travail confié au « bleu » Pesquet a d’ailleurs consisté à réparer des toilettes. Mais il a aussi effectué deux sorties dans l’espace, des séquences plus prestigieuses, mais là aussi dévolues à installer des pièces de rechange.
Thomas Pesquet sort de l’ISS pour installer un port d’amarrage
Durée : 00:48
Le reste du temps, très minuté, était consacré au sport, pour réduire les pertes osseuses liées au séjour en orbite – jusqu’à 1 % de masse par mois. Et à une série de 62 expériences coordonnées par l’ESA et le Centre national d’études spatiales (CNES). Au programme, de la biologie, de la physique, des sciences des matériaux, des tests de nombreux équipements, des mesures sur lui-même. « Nous sommes des cobayes », résumait Thomas Pesquet avant son départ. L’un des défis de l’exploration humaine de notre système solaire sera de comprendre, pour mieux les contrecarrer, les effets de l’apesanteur sur l’organisme humain. Ces recherches constituent une grande part du programme des astronautes.
La science produite à bord de l’ISS reste cependant modeste, au regard des sommes engagées. Certains savants terre à terre ont calculé que les quelque 1 200 articles scientifiques produits à partir de travaux conduits à bord de l’ISS entre 1998 et 2015, rapportés au coût de cet équipement (plus de 100 milliards de dollars), avaient un prix de revient unitaire de 88 millions d’euros. A quoi l’ESA rétorque que l’ISS revient « à un expresso par an pour chaque citoyen européen ». Le prix du rêve, entretenu avec brio par Thomas Pesquet.
Et maintenant, que va-t-il faire ? Né deux mois après Emmanuel Macron, qui n’était encore que candidat quand il a quitté la Terre, le jeune homme a lui aussi déjà eu plusieurs vies : ingénieur en dynamique des satellites, il a été pilote de ligne – « le deuxième meilleur métier du monde », selon lui –, avant de postuler pour le meilleur. Sélectionné avec cinq autres candidats sur 8 000 postulants, dans la promotion 2009 des astronautes de l’ESA, il a dû s’entraîner pendant des années, en Europe bien sûr, mais surtout aux Etats-Unis et en Russie, qui concentrent les principales infrastructures spatiales. Après s’être focalisée sur ces quelques mois à 28 000 km/h, son existence va forcément ralentir.
Biopsies musculaires
Sa nouvelle vie sera très balisée dans les six mois qui viennent : il sera concentré sur sa réhabilitation, c’est-à-dire la récupération de sa masse osseuse et musculaire (diminuée de 30 à 50 %), après le « coup de vieux » engendré par son séjour en orbite. Le centre de Cologne mesurera attentivement ses progrès – y compris avec des procédures un peu barbares, comme des biopsies musculaires. Il naviguera aussi entre les Etats-Unis et la Russie, pour être débriefé sur tout ce qu’il aura fait et vu à bord de l’ISS.
Mais après ? Il n’a aucune garantie de pouvoir revoler dans les prochaines années. Les places sont chères, dans tous les sens du terme. D’autant que l’ancienne génération des astronautes européens s’accroche : l’Italien Paolo Nespoli (60 ans), qui a déjà volé trois fois depuis 2007, retourne vers l’ISS cet été. Suivra en 2018 un Allemand de la génération Pesquet. Et bien sûr les Russes et les Américains, dont la NASA annoncera la nouvelle promotion le 7 juin. Mais Thomas Pesquet est encore jeune, Mars est un objectif de conquête possible dans les années 2030. « Moi, je rêverais d’y aller », a-t-il indiqué à l’AFP, mais « si ce n’est pas moi, ce ne sera pas très grave ». Quoi qu’il arrive, comme ses devanciers, il sera à vie un ambassadeur de l’espace. Astronaute un jour…