Claude Terosier à l'atelier de Magic Makers, à Vincennes, le 23 mai. | Camille McOuat pour M Le magazine du Monde

Convaincue que le langage informatique est accessible à tous, Claude Terosier a créé, en 2014, un atelier pour apprendre aux enfants de 6 à 15 ans les rudiments du code et de la programmation. Après quinze ans de carrière dans le conseil et la gestion de projets dans les télécommunications, cette ingénieure de 42 ans a voulu permettre aux plus jeunes de maîtriser la technologie avec laquelle ils grandissent. En trois ans, elle a recruté 60 formateurs, ouvert six centres à Paris et Bordeaux et accueilli près de 5 000 enfants. Leurs meilleurs projets – jeux vidéo en 3D, applications mobiles, robots connectés en Légo – seront présentés aux curieux le samedi 17 juin au pavillon Paul Delouvrier à La Villette (Little Villette), à l’occasion de Oh My Code !, le « festival de code par et pour les enfants ».

Comment est née l’idée de Magic Makers ?

Je suis diplômée de l’école Télécom Paris Tech. En 2012, pour les quinze ans de ma promo, nous faisions avec mes anciens camarades le bilan des bouleversements technologiques survenus au cours de ces dernières années. Quand j’ai commencé mes études, je n’avais pas d’ordinateur dans ma chambre. J’ai eu ma première adresse email en 1997 et il a fallu attendre les premiers navigateurs.

« Aujourd’hui, toute activité humaine repose sur la programmation. La musique est numérique, le smartphone s’est généralisé et le code gère nos vies privées. »

Aujourd’hui, toute activité humaine repose sur la programmation. La musique est numérique, le smartphone s’est généralisé et le code gère nos vies privées. Il nous permet de faire nos courses, de payer nos impôts, de lire la presse, même l’agriculture est robotisée. Et ça va continuer. L’intelligence artificielle est déjà une réalité, les machines apprennent seules. Un intervenant a conseillé d’apprendre à coder à nos enfants. J’en ai deux, aujourd’hui âgés de 6 et 8 ans. J’ai cherché des cours mais je n’ai rien trouvé. C’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de tenter de combler le décalage entre la place prise par l’informatique dans la société et celle, trop faible, qu’elle occupe dans l’éducation.

Vous proposez d’apprendre le code comme on apprend le dessin ou le piano ?

Oui, le code est vu comme quelque chose de compliqué. Ce n’est pas vrai. Apprendre à lire, écrire, compter est aussi difficile mais c’est accessible à tous. L’important, c’est la pédagogie et de commencer tôt. Coder consiste simplement à donner des instructions à une machine. Cela demande de la logique, de la rigueur et de la précision. Ce n’est pas une fin en soi mais un moyen de création jouissif intellectuellement.

« Les enfants réalisent que ce qu’ils utilisent dans l’ordinateur n’est pas magique mais fait par des hommes et des femmes, et qu’ils peuvent le faire aussi. Ça le démythifie. »

Prenez une recette de cuisine, c’est une sorte d’algorithme un peu flou. Faire revenir les oignons, mais à quelle température ? Nous apportons un contexte pour que les enfants puissent créer quelque chose ayant du sens pour eux en s’amusant – des jeux, une appli, un robot ou un objet connecté – lors d’ateliers hebdomadaires ou de stages pendant les vacances. Alice, 11 ans, a ainsi designé en une semaine une manette pour piloter un drone. Elle l’a imprimée en 3D et a créé moins de dix lignes de code pour lui ordonner d’avancer ou de se poser. C’est bluffant et extrêmement gratifiant.

Mais des études pointent les risques de la surexposition des enfants aux écrans…

C’est vrai. Les miens sont nés avant l’Ipad et n’y ont pas été confrontés à 2 ou 3 ans. On manque encore de repères pour savoir si on doit prendre ces risques ou pas. Je suis, dans ce domaine, une mère assez permissive. L’important est de discuter avec eux. Mes enfants regardent beaucoup de tutoriels de sciences et savent plus de choses que moi à leur âge. Ils ne regardent plus la télévision mais des programmes qu’ils choisissent.

Quels autres avantages les enfants tirent-ils de l’apprentissage du code ?

Ils réalisent que ce qu’ils utilisent dans l’ordinateur n’est pas magique mais fait par des hommes et des femmes, et qu’ils peuvent le faire aussi. Ça le démythifie. Cela leur donne également l’opportunité d’apprendre à apprendre, à conceptualiser : comment mener à bien un projet, définir son objectif, trouver comment y aller, développer des stratégies de résolution de problème, tenter une chose, changer quand ça ne marche pas… Ce sont des compétences utiles partout. Quand on est à l’école, on lève le doigt dès qu’on a la réponse. Ici, on pose des questions et on trouve les réponses en faisant avec les autres enfants. Nous nous appuyons sur un logiciel d’apprentissage du code en accès libre, Scratch Junior, développé par des chercheurs en sciences sociales du MIT, avec les méthodes de la pédagogie active.

Camille McOuat pour M Le magazine du Monde

Comment démocratiser cette pédagogie ?

En trois ans, nous avons accueilli près de 5 000 enfants dans cinq ateliers à Paris et un à Bordeaux. L’idée est de s’implanter sur tout le territoire. Six autres lieux sont prévus à la rentrée 2018. Le code est aussi entré dans les programmes scolaires et nous participons au projet Class’Code - Inria en créant des moocs accessibles gratuitement aux professeurs et éducateurs, ainsi que des outils d’e-learning pour l’éducation nationale. Nous avons imaginé le festival Oh My Code !, qui se tiendra samedi 17 juin La Villette, pour que les enfants puissent eux-mêmes montrer et expliquer ce qu’ils ont créé aux curieux de leur âge, et à leurs parents.

Oh My Code !, festival de code pour les enfants, par les enfants : samedi 17 juin 2017 de 14 h 30 et 18 h 30, Little Villette, porte de Pantin. Entrée libre. lavillette.com/evenement/festival-oh-my-code

Ateliers d’apprentissage de programmation créative pour enfants Magic Makers : www.magicmakers.fr