Le Conseil d’Etat a préféré mercredi demander des éclaircissements à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avant de décider si Google doit déréférencer des informations sur toutes les extensions de son moteur de recherche, ou dans certains pays seulement.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait infligé une amende de 100 000 euros en mars 2016 à Google. La CNIL et Google étaient depuis plusieurs mois en conflit sur l’application du droit au déréférencement, dit « droit à l’oubli », qui permet à un internaute européen de demander, sous condition, que des résultats de recherche sur son nom n’apparaissent plus dans les moteurs de recherche. Google applique ce droit uniquement sur la version nationale de son moteur de recherche (Google.fr pour un internaute français), et la CNIL considère que le déréférencement doit s’appliquer à toutes les versions du moteur (Google.com, Google.de...).

Google avait fait appel de son amende devant le Conseil d’Etat, contestant à la CNIL toute compétence hors de France, et plus généralement au nom de la liberté d’expression. Il avait aussi mis en place un « géoblocage » empêchant d’accéder aux résultats incriminés en fonction de la localisation de l’ordinateur utilisé – les recherches sur Google.de faites depuis la France ne font plus apparaître les résultats déréférencés. La CNIL estime de son côté que le droit au déréférencement ne doit pas varier en fonction de l’origine géographique des internautes.

La CJUE consultée sur plusieurs points majeurs

L’affaire découle directement d’une décision de la CJUE, qui a consacré le « droit à l’oubli » numérique en mai 2014. « Le Conseil d’Etat estime que la portée de ce droit au déréférencement pose plusieurs difficultés sérieuses d’interprétation du droit de l’Union européenne. Il (...) renvoie plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne », a-t-il résumé dans un communiqué. En conséquence, il « sursoit à statuer sur la requête de la société Google Inc. jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur ces questions ».

Le Conseil d’Etat demande si le déréférencement « doit être opéré sur toutes les versions du moteur de recherche, de telle sorte que les liens litigieux n’apparaissent plus quel que soit le lieu à partir duquel cette recherche est lancée, y compris hors du champ d’application territorial du droit de l’Union européenne ».

En cas de réponse négative, le Conseil d’Etat demande encore si le déréférencement doit s’appliquer dans toute l’Union européenne, ou uniquement pour des recherches effectuées dans l’Etat où le citoyen a fait valoir son droit à l’oubli. Toujours dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question, le Conseil d’Etat demande si le « géoblocage » des liens litigieux doit également s’appliquer dans toute l’Union européenne.

En début d’année, le Conseil d’Etat avait déjà sollicité la CJUE sur le droit à l’oubli, lui demandant à l’époque de préciser les critères pouvant justifier ou non un déréférencement.