TV : le « stand-up », entre vérité et fiction
TV : le « stand-up », entre vérité et fiction
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Canal+ et Netflix exploitent les ressorts redoutables ou hilarants de ce filon comique dans la série « I’m Dying Up Here » et des captations
I'm Dying Up Here (2017) | Uncensored Official Trailer | SHOWTIME
Lorsque l’on découvre le générique de la série I’m Dying Up Here (proposée aux Etats-Unis avec une avance de 48 heures sur la France), diffusée sur Canal+ Séries depuis le 6 juin 2017, on a un peu l’impression de se retrouver dans l’univers et les codes visuels de Vinyl (2016), actuellement retransmise sur Canal+ : les quinquagénaires y reconnaîtront les lettrines, les couleurs, les papiers peints, les posters et les musiques de leur adolescence. Ainsi qu’il en va pour la série musicale de Martin Scorsese, Mick Jagger, Rich Cohen et Terence Winter, celle créée par Dave Flebotte est, de ce seul point de vue esthétique, une franche réussite.
Mais ce portrait d’un club de comédie de Los Angeles, en 1973, et de sa propriétaire – inspirée par Mitzi Shore, qui fit débuter beaucoup d’artistes de stand-up, dont Jim Carrey, l’un des coproducteurs de I’m Dying Up Here –, va au-delà d’une simple reconstitution nostalgique.
Il rappelle, en ces temps où le métier est pratiqué par des légions entières plus ou moins drôles – mais le public veut rire coûte que coûte –, les débuts difficiles de jeunes comiques dans un exercice qui est probablement des plus acrobatiques : faire rire une salle et se confronter, à l’occasion, aux quolibets de certains. Mais le pire est sûrement le silence qui règne après une blague qui ne fonctionne pas ; d’où le titre de la série, que l’on pourrait librement traduire par : « A l’aide ! »
Stephen Guarino (Sully), Brianne Howey (Kay), Jon Daly (Arnie), Michael Angarano (Eddie), RJ Cyler (Adam), Ari Graynor (Cassie), Andrew Santino (Bill(, Melissa Leo (Goldie(, Clark Duke (Ron) and Erik Griffin (Ralph). | MATHIEU YOUNG / COURTESY OF SHOWTIME
Dans le phalanstère nocturne qu’est Goldie’s, le club tenu d’une main de fer par Goldie Herschlag (merveilleusement interprétée par Melissa Leo, l’inquiétante infirmière de Wayward Pines), quelques téméraires plus ou moins madrés viennent essayer, sans cachet, leurs numéros. Ils sont d’abord au sous-sol, sur la « scène libre », pour terminer, peut-être, via l’estrade principale et le verdict du public, dans l’émission de télévision de Johnny Carson – qui fit notamment débuter la regrettée Joan Rivers dans The Tonight Show (elle avait commencé plus tôt sur les planches).
Le ton est doux-amer, parfois acide, voire tragique (le premier épisode met en scène un probable suicide). Mais il est souvent hilarant grâce aux blagues successives des comédiens, faites entre eux et sur scène. Au vu de ses sept premiers épisodes (sur dix), I’m Dying Up Here s’impose déjà comme une heureuse réussite.
De grands noms du comique
Avec le domaine des séries, celui des spectacles de stand-up est devenu l’un des mieux et des plus régulièrement alimentés de Netflix. On trouve, dans le catalogue du site Internet de vidéos à la demande par abonnement, les grands noms des humoristes nord-américains du moment – Aziz Ansari, Louis C.K., Trevor Noah, Amy Schumer, etc. – et une ribambelle de (plus ou moins) comiques français de toutes générations.
Ce vaste choix a été récemment complété par une série de numéros d’une petite demi-heure chacun – selon un principe déjà observé par deux chaînes nord-américaines, HBO pour One Night Stand, et Comedy Central pour The Half Hour –, qui constituent la matière de « The Standups ».
I'm Dying Up Here (2017) | Official Trailer #2 | SHOWTIME
L’humour qui y est pratiqué n’est pas à mettre entre toutes les oreilles tant il est « incorrect » et prolixe en gros mots d’ordinaire « bipés ». La blonde Nikki Glaser, à qui l’on donnerait presque le bon Dieu sans confession, révèle pourtant, et sans jamais trop se forcer, bien des turpitudes. Certains pourront s’alarmer de ses histoires de tampons hygiéniques (au moment de passer le contrôle de sécurité à l’aéroport) et de ses expériences en matière de sodomie. D’autres, dont nous sommes, se plieront de rire. Comme au numéro de la comique lesbienne Fortune Feimster, qui se moque de son allure en annonçant d’emblée : « A ceux qui ne me connaissent pas, je voudrais leur préciser que je suis une femme. Donc, s’il vous plaît, ne me virez pas des toilettes, j’ai une petite vessie… »
Transgenres et toilettes neutres
Feimster – vue notamment dans les émissions de Chelsey Handler sur Netflix – fait référence aux polémiques sur les toilettes « neutres », aux Etats-Unis, qui permettent d’éviter des désagréments aux personnes transgenres. Mais elle ne s’attarde pas sur le sujet et, comme beaucoup de ses camarades, raconte plutôt sa vie.
L’Afro-Américain Deon Cole est l’un des plus drôles : il fait mine d’essayer pour la première fois des blagues limites (à propos des Blancs notamment) en cochant sur une fiche ce qui marche et ce qui ne marche pas. Evidemment, ce sont celles qui ne marchent pas qui sont souvent les plus drôles car les plus inconvenantes.
The Standups | Official Trailer [HD] | Netflix
Le dernier à paraître sur scène est Dan Soder. Ce positionnement dans un club de comédie est redoutable : pour ceux passés avant, car éclipsés en cas de succès du dernier en lice ; pour ce dernier, s’il n’est pas bon. Et il ne l’est pas, avec ses blagues un peu datées de fumeur de marie-jeanne. En tant que coproducteur du spectacle, Soder aurait pu avoir l’élégance de paraître en premier et d’introduire ses camarades.
I’m Dying Up Here, série créée par David Flebotte. Avec Michael Angarano, RJ Cyler, Clark Duke, Stephen Guarino, Erik Griffin, Jake Lacy, Melissa Leo (EU, 2017, 10 x 42 min). Canal+ Séries à la demande.
The Standups, captation réalisée par Troy Miller. Avec Nate Bargatze, Fortune Feimster, Deon Cole, Nikki Glaser, Dan Soder (EU, 2017, 6 x 30 min). Netflix à la demande.