Editorial du Monde. La rhétorique apocalyptique et le coup de menton étaient jusqu’à présent l’apanage de Kim Jong-un. Donald Trump semble s’être mis en tête de le lui disputer. Pour rester dans un registre diplomatique, disons que le président américain, confronté à sa première crise internationale, suscite par son comportement la plus grande perplexité. Pas un jour ne passe sans qu’il oppose la perspective de représailles destructrices aux menaces de la Corée du Nord. Avec un résultat pour l’heure déconcertant : l’attention internationale est centrée désormais sur les Etats-Unis, alors qu’elle devrait se porter sur le régime volontiers paranoïaque de Pyongyang.

La responsabilité de l’escalade en cours ne fait pourtant pas l’ombre d’un doute. La Corée du Nord ne peut s’en prendre qu’à elle-même de s’être retrouvée la cible d’une résolution des Nations unies adoptée par le Conseil de sécurité, à l’unanimité faut-il le rappeler, ce qui l’a conduite à menacer en retour les Etats-Unis, qui en avaient été les artisans. Son isolement est le produit de la multiplication d’essais d’armes nucléaires et de missiles balistiques effectués à un rythme sans précédent.

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Cette course effrénée risque de déclencher en retour un réarmement massif et nécessairement périlleux de ses voisins, dans une région accessoirement essentielle pour l’économie mondiale. Interrogé sur ce que serait un conflit compte tenu de la concentration d’armes de destruction et de civils sur des territoires exigus, le secrétaire à la défense des Etats-Unis, James Mattis, a sobrement estimé qu’il serait « catastrophique ». Pour le moins.

Mais, au lieu de capitaliser sur le vote des Nations unies et d’entretenir cette trop rare unanimité, M. Trump a choisi de répondre au régime de Kim Jong-un dans l’improvisation et l’outrance, prenant manifestement de court ses propres conseillers. On peut comprendre l’exaspération du président américain. Il dispose aujourd’hui d’une main bien moins solide que ses prédécesseurs du fait de l’impuissance des Etats-Unis face aux progrès opiniâtres du régime nord-coréen. Mais cette exaspération est, en l’occurrence, bien mauvaise conseillère.

Prisonnier d’idées simples

M. Trump, faute sans doute d’accorder le temps nécessaire à la réflexion et à l’écoute de ses propres experts, semble prisonnier d’idées simples, comme celle selon laquelle une menace sur les échanges commerciaux avec la Chine suffirait pour que Pékin, à supposer qu’il en ait le pouvoir, règle à lui seul le problème nord-coréen conformément aux seuls intérêts américains. Le président des Etats-Unis affaiblit également ses positions lorsqu’il exprime dans le même mouvement, comme il l’a fait jeudi 10 août, les plus grandes réserves vis-à-vis du dernier accord antiprolifération nucléaire conclu par son propre pays : celui concernant l’Iran. Ce faisant, il relativise la portée des négociations avec Pyongyang que Washington appelle de ses vœux.

Il est entendu que la menace du recours à la force peut être une carte légitime, tout comme le partage des rôles, classique, entre le « bon flic » (le secrétaire d’Etat Rex Tillerson) et le « mauvais flic » (le président). Ce jeu nécessite cependant un dosage subtil et présuppose un examen le plus froid possible de la réalité. En s’accrochant comme à des slogans de campagne à la dénégation d’une Corée du Nord nucléarisée et en avançant une solution militaire quand tout porte à croire qu’il ne peut y en avoir d’acceptable, M. Trump mine sa crédibilité au lieu de la conforter.

Vidéo : comment Trump a petit à petit durci ses menaces envers la Corée du Nord
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