Agréable baptême du feu en Ligue 1 pour Neymar
Agréable baptême du feu en Ligue 1 pour Neymar
Par Rémi Dupré (Guingamp, envoyé spécial)
Pour ses grands débuts dans le championnat de France, l’attaquant brésilien a fortement contribué à la victoire du PSG face à Guingamp.
Neymar, le 13 août, à Guingamp (Côtes d’Armor). / JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Cocasse, l’histoire retiendra que l’attaquant brésilien Neymar Jr a disputé son premier match en Ligue 1 à Guingamp, sous-préfecture des Côtes-d’Armor, 7 000 habitants.
Dimanche 13 août, en clôture de la deuxième journée du championnat de France de football, la nouvelle star du Paris-Saint-Germain (PSG) a effectué son baptême du feu face à l’En Avant de Guingamp (EAG) au Stade du Roudourou, une « enceinte à l’anglaise » de 18 300 places avec ses tribunes basses et sa toiture en tôle.
Vainqueur de la Ligue des champions avec le FC Barcelone (en 2015), Neymar a dû descendre des hauteurs auxquelles il était accoutumé pour ses grands débuts en mondiovision sur les pelouses françaises. Relativement discret en début de match, le joueur le plus cher de l’histoire du football (222 millions d’euros) s’est peu à peu décontracté.
Soucieux de faire étalage de son bagage technique, il a gratifié le public breton de gestes spectaculaires et mis au supplice la défense adverse. Passeur décisif pour Edinson Cavani, il a ensuite inscrit son premier but dans l’Hexagone, scellant la large victoire (3-0) du PSG.
La venue du prodige de la Seleçao a électrisé l’atmosphère du centre-ville guingampais. Avant ce choc des cultures entre l’écurie de Qatar Sports Investments (540 millions d’euros de budget) et l’EAG (une enveloppe de 26 millions d’euros), rares étaient les chambres d’hôtels encore disponibles. « La venue de Neymar est un événement », soufflait-t-on à l’Office de tourisme, tout en rappelant la tenue concomitante du Festival du Chant du marin, dans la commune voisine de Paimpol.
« Neymar = 44 400 000 pintes. Nasser, ta tournée »
« On pouvait remplir un stade de 40 000 places avec le PSG et de 80 000 avec Neymar, assure Christophe Gautier, responsable communication de l’EAG, alors que la rencontre se disputait à guichets fermés. C’est une mise en lumière du club, de la ville. On a reçu 300 demandes d’accréditation sur 82 disponibles, émanant de journalistes japonais, brésiliens, belges, australiens… du monde entier. Si on gagne, c’est un exploit planétaire. On n’a rien à perdre. »
Retransmis dans 183 pays, via 49 diffuseurs, le baptême du feu de Neymar avec le PSG n’a guère laissé de marbre les supporteurs guingampais. Plusieurs drapeaux brésiliens flottaient d’ailleurs dans les tribunes du Roudourou et nombreux furent les tifosi de l’EAG à vouloir serrer la main de l’idole peroxydée à son arrivée sur la pelouse pour l’échauffement.
« Cet événement ne nous concerne pas », grimaçait toutefois Benoît Condominas. Visiblement agacé par la surmédiatisation entourant la « première » de Neymar en France, le responsable du groupe de supporteurs Kop Rouge 93 ronchonnait : « Ce n’est ni notre histoire, ni notre affaire, ni notre préoccupation. »
A contrario, certains spectateurs se sont lancés dans des calculs savants pour tourner en dérision la somme stratosphérique dépensée par le PSG pour enrôler l’attaquant du Barça. « Neymar = 44 400 000 pintes. Nasser [Al-Khelaïfi le président du PSG], ta tournée », pouvait-on lire sur une banderole déployée dans les travées du Roudourou.
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Sous un beau soleil estival, la star brésilienne a enchaîné les jonglages et les crochets orientés lors de l’échauffement. Chasuble bleue sur le dos, il a multiplié les passes avec son compatriote et ex-coéquipier au FC Barcelone (2013-2014) Dani Alves, lui aussi recruté cet été par le PSG. Au coup d’envoi, la star a levé le doigt vers le ciel avant de se positionner à gauche du trident offensif concocté par son entraîneur Unai Emery.
Neymar, lors de son entrée sur la pelouse du Roudourou. / KAMIL ZIHNIOGLU / AP
Un tandem Neymar-Cavani en parfaite osmose
Galvanisés par leurs supporteurs, les joueurs guingampais tentent d’emblée d’asphyxier la recrue parisienne. Un brin crispé, en mode « diesel », Neymar prend ses marques au fil de la première période. Et c’est Lucas Deaux qui fait les frais de la montée en puissance de l’attaquant parisien. A la 23e minute, le numéro 8 de l’EAG devient la première « victime » du dribbleur hors pair sur les pelouses françaises. Sur une action anodine, il est mystifié par le Brésilien, auteur d’un petit pont.
Peu avant la mi-temps, Neymar manque d’offrir le premier but de la rencontre à son compatriote Marquinhos. Mais la tête du défenseur du PSG percute l’équerre du gardien guingampais Karl-Johan Johnsson. Neutralisé (0-0) à la pause, le tandem Neymar-Cavani, en parfaite osmose, passe à la vitesse supérieure lors du second acte.
Après le but gaguesque inscrit contre son camp par le défenseur de l’EAG Jordan Ikoko (52e), les deux attaquants sud-américains du PSG éteignent la clameur du Roudourou. A l’heure de jeu, Neymar sert en profondeur Cavani, qui double la mise. Ce dernier rend la pareille à son nouveau coéquipier (83e), félicité par ses partenaires. En tribunes, le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, et son directeur sportif portugais, Antero Henrique, jubilent.
« Au moins, je me suis fait dépuceler »
Résignés, les Guingampais n’ont d’yeux que pour leur bourreau brésilien en zone mixte, l’espace dévolu aux échanges entre les joueurs et les journalistes. Même Lucas Deaux ne prend pas ombrage de l’humiliation – un petit pont puis un coup du sombrero – que lui a fait subir Neymar.
« 3-0, on s’en sort bien. On aurait pu en prendre plus s’ils avaient déroulé. Ils sont forts. C’est chaud, reconnaît, blême, le milieu breton. Ils n’étaient même pas à 100 %. Je pense que les Parisiens ont fait une bonne affaire en prenant Neymar à 200 millions. Je n’ai pas de mot. Et encore, il a mis du temps à se mettre dans son match. Quand il sera à 100 % et qu’il trouvera les automatismes avec ses partenaires, ça va vraiment être extraordinaire. Bon courage aux autres équipes du championnat. »
Invité à revenir sur les arabesques du Brésilien, Lucas Deaux a des trémolos dans la voix. « Cela ne fait jamais plaisir de prendre un petit pont. Après, je lui ai mis un taquet et il est tombé. Retour à l’envoyeur, ironise-t-il. Tant mieux, je me suis fait dépuceler au moins. Ses prises de balle… sa technique, c’est juste… Et encore, je trouve qu’il a perdu pas mal de ballons faciles. C’est extraordinaire. Je suis vraiment content qu’il soit dans notre championnat. Même si on prend des petits ponts, des buts. Chapeau à Paris d’avoir réussi à le ramener dans notre championnat. Pour un joueur comme moi, moyen, c’est un plaisir d’évoluer contre des joueurs comme ça. A défaut de jouer avec eux, au moins on joue contre eux. »
Lucas Deaux donne alors un précieux conseil à ceux qui seront amenés à croiser la route du numéro 10 parisien. « Il faudrait que Neymar ne soit pas en forme… Qu’il ait la gastro ou quelque chose comme ça, sourit le Guingampais. Je vais avoir du mal à m’endormir tellement j’ai été impressionné. Je n’ai jamais vu ça. Même un Zlatan Ibrahimovic, pour moi, c’est en dessous. »
Scènes d’émeutes sur le parking
Ironie de l’histoire, le vaincu du jour est l’ex-entraîneur parisien (2009-2011) Antoine Kombouaré, à la tête de l’EAG depuis 2016. Premier coach de l’ère qatari au PSG, le Kanak avait été limogé par les décideurs de QSI, en décembre 2011, alors que le club était… en tête du championnat.
« On a pris une gifle aujourd’hui, grimace le technicien guingampais. D’habitude, on a neuf chances sur dix de perdre contre le PSG. Là, c’était 10 sur 10. C’est injouable. Neymar est un phénomène. Il sublime ses partenaires surtout. Tout le monde a eu envie d’être à son niveau. »
Vétéran du PSG, l’Italo-brésilien Thiago Motta (35 ans) s’est chargé de tresser des lauriers à la nouvelle recrue : « C’est un joueur qui peut faire la différence et beaucoup nous aider. On essaie de le trouver au bon moment. Il peut marquer, combiner, faire la passe décisive. On a le privilège de jouer avec de grands joueurs : avec Zlatan puis, aujourd’hui, Neymar. »
Une clameur envahit soudainement le hall du Stade du Roudourou lorsque le numéro 10 parisien surgit, écouteurs argentés sur les oreilles. « Je n’ai même pas fini de répondre que tu t’en vas », s’esclaffe Thiago Motta, s’adressant à un journaliste qui le délaisse pour recueillir les propos de l’ex-Blaugrana.
Après quelques mots échangés avec des médias brésiliens, Neymar est exfiltré de l’enceinte par les officiers de sécurité. On assiste alors à des scènes d’émeutes sur le parking du Roudourou, où le public s’est massé pour ovationner l’icône. Rapidement, l’attaquant s’engouffre dans le bus du PSG. Certains supporteurs se mettent alors à courir derrière le véhicule pour prendre une photo de la star. En vain.
Neymar en 60 secondes
Durée : 01:12