Les supermarchés canadiens deviennent les premiers dans le monde à commercialiser un animal génétiquement modifié destiné à la consommation humaine. L’entreprise américaine AquaBounty Technologies a annoncé, vendredi 4 août, avoir distribué 4,5 tonnes de saumon transgénique dans des enseignes canadiennes au cours de l’année écoulée. « La vente et les discussions avec les acheteurs potentiels démontrent clairement que les clients veulent notre poisson, et nous sommes impatients d’augmenter notre capacité de production pour répondre à la demande », a déclaré Ronald Stotish, PDG de cette société basée à Maynard, dans le Massachusetts.

Développé par une équipe scientifique en 1982, ce poisson de l’espèce Salmo salar (saumon d’Atlantique) a été conçu pour se développer plus vite que les saumons « traditionnels ». Dénommé « AquaAdvantage » par la firme, il peut atteindre sa taille adulte au bout de 16 à 18 mois, au lieu de 30 mois pour un saumon d’Atlantique non modifié. Il acquiert cette propriété grâce à l’introduction dans son génome d’un gène code produisant une hormone de croissance qui provient du saumon quinnat du Pacifique. Selon la société, il nécessite 75 % de nourriture en moins que ses congénères non modifiés pour atteindre sa taille adulte, réduisant ainsi d’un facteur 25 son empreinte carbone.

Pression sur les distributeurs

Mais avant de pouvoir se retrouver dans les rayons des supermarchés – et dans les assiettes – ce saumon de type OGM a dû obtenir l’aval des autorités. Après vingt-cinq ans d’attente, AquaBounty a finalement obtenu, en mai 2016, le feu vert du ministère canadien de la santé et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Après quatre années de tests, les deux institutions ont conclu qu’il était aussi sûr et nutritif que son équivalent non modifié.

Le ministre canadien de l’agriculture, Lawrence MacAulay, avait affiché sa confiance dans le produit, affirmant être prêt à en manger et rappelant que, déjà, de nombreuses céréales consommées au Canada sont modifiées génétiquement.

Mais de leur côté, les écologistes et les associations de protection des consommateurs dénoncent le fait que ces saumons transgéniques ne soient pas étiquetés comme tels. En effet, la réglementation canadienne impose un étiquetage des produits uniquement s’ils représentent un risque, comme par exemple la présence d’un allergène. Seules les caractéristiques nutritives et les normes de sécurité tout au long de la chaîne de production ou d’élevage sont prises en compte.

Ces associations tentent désormais de convaincre les grands distributeurs de ne pas commercialiser ce poisson. Certaines chaînes, dont Sobeys, Loblaws et le géant nord-américain de la vente en gros, Costco, ont déjà annoncé qu’elles ne comptaient pas en vendre.

Risque pour les populations sauvages

Il n’y a pas qu’au Canada que ce type de produit d’élevage pose question. Aux Etats-Unis, AquaBounty Technologies a obtenu l’accord de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence en charge de l’alimentation, en novembre 2015. Mais deux mois plus tard, la FDA sous pression a fait volte-face et a interdit la vente et l’importation de saumon OGM tant qu’une ligne claire en matière d’étiquetage n’aura pas été définie.

Outre cette question de l’étiquetage, les écologistes se disent également inquiets du risque que cette nouvelle variété de saumons pourrait représenter pour les populations sauvages, si un individu modifié venait à se retrouver dans la nature. AquaBounty Technologies rétorque que ses poissons sont stériles et élevés dans des bassins enclavés. Leurs œufs sont produits dans un centre piscicole de l’Île-du-Prince-Edouard, sur la côte Est du Canada, mais ils sont ensuite élevés au Panama, a précisé l’entreprise américaine.

Enfin, le PDG de la société met en avant les avantages que les saumons transgéniques auraient sur le plan économique : « Les poissons génétiquement modifiés sont (…) attractifs, car ils peuvent être élevés à proximité des zones métropolitaines plutôt que d’être transportés de l’étranger, ramenant ainsi des emplois aux Etats-Unis et au Canada », a-t-il expliqué à la revue Nature.