Les relations entre la Turquie et l’Allemagne se sont particulièrement tendues depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016. / TOBIAS SCHWARZ / AFP

La tension monte encore d’un cran entre Berlin et Ankara. L’Allemagne a dénoncé vendredi 1er septembre l’arrestation pour des « raisons politiques » de deux de ses ressortissants en Turquie. Cela porte à douze le nombre d’Allemands que Berlin considère comme des détenus politiques dans ce pays.

Selon le porte-parole du ministère des affaires étrangères allemand, le consulat général aurait été informé de ces deux arrestations par des « sources non officielles » jeudi, avant qu’elles ne soient confirmées par la police de l’aéroport d’Antalya, dans le sud-ouest de la Turquie. Les autorités consulaires n’ont pas pu rencontrer les deux inculpés, ni s’entretenir avec eux. Le porte-parole s’est donc refusé à donner toute autre précision sur l’affaire et sur l’identité des détenus.

Les arrestations de ce type « sont dans la plupart des cas sans fondement » et « elles n’ont rien à voir avec nos principes de l’Etat de droit », a condamné Angela Merkel, citée par l’agence de presse allemande DPA. « C’est pourquoi nous devons aussi réagir de façon déterminée », a-t-elle ajouté.

Le cas le plus emblématique d’arrestation « pour des raisons politiques » est celui du Germano-Turc Deniz Yücel, correspondant du journal Die Welt en Turquie. Il est détenu depuis la fin de février pour propagande « terroriste » et incitation à la haine. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’a qualifié de séparatiste kurde et d’« agent allemand ».

« Nos demandes à la Turquie sont très claires, et la chancelière l’a redit ces derniers jours : nous attendons de la Turquie la libération de tous les ressortissants allemands détenus pour des motifs injustifiés », a renchéri le porte-parole d’Angela Merkel, Steffen Seibert.

Berlin refuse l’union douanière avec la Turquie

Les relations entre la Turquie et l’Allemagne se sont particulièrement tendues depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, imputé au prédicateur Fethullah Gülen, qui nie toute implication. Ankara accuse Berlin de faire preuve d’indulgence envers des « terroristes », en abritant des séparatistes kurdes et des putschistes présumés.

De son côté, l’Allemagne condamne fermement l’ampleur des purges entreprises en Turquie après le putsch manqué, au cours desquelles plus de 50 000 personnes ont été arrêtées et 140 000 fonctionnaires limogés.

Les deux pays se sont aussi heurtés lorsque des députés allemands d’origine turque ont reconnu, en 2016, le génocide arménien perpétré dans l’empire Ottoman entre 1915 et 1916 ; ou encore sur des satires télévisées allemandes visant le président turc.

Le dernier conflit en date est relatif à la vie politique allemande. M. Erdogan a appelé en août les Turcs en Allemagne à ne voter ni pour le Parti chrétien-démocrate (CDU) d’Angela Merkel, ni pour le Parti social-démocrate (SPD), ni pour les Verts, lors des législatives de septembre, qualifiant ces partis d’« ennemis de la Turquie ».

L’Allemagne, qui compte quelque 3 millions de personnes d’origine turque, dont environ la moitié peut voter, a dénoncé une ingérence inacceptable. Mardi, la chancelière allemande a rejeté l’idée d’une union douanière avec la Turquie, expliquant que les relations avec ce pays, y compris dans le domaine commercial, ne pourraient s’améliorer sans progrès en matière d’Etat de droit. Les arrestations de vendredi ont renforcé sa position.