L’île Saint-Martin, dévastée après le passage de l’ouragan Irma, jeudi 7 septembre. / RINSY XIENG / AFP

« Scène d’horreur », « cauchemar », « paysage apocalyptique ». Le passage de l’ouragan monstre Irma, qui poursuit sa route dans les Caraïbes, a dévasté les îles Saint-Barthélemy et Saint-Martin, où les premiers habitants que des médias ont réussi à contacter font part, d’une même voix, de leur désarroi face au désastre.

Sur place, les communications restent très parcellaires et les aéroports sont quasi impraticables. Les photos sur les réseaux sociaux montrent des rues inondées ou très endommagées, des bateaux transformés en petits bois dans un port, des arbres balayés par les rafales de vent, des toitures envolées et parfois retrouvées sur la route, des voitures immergées sous des mètres d’eau ou renversées. Des paysages bien loin de l’île paradisiaque que connaissent les touristes.

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« Je me voyais y passer »

Les premiers témoignages de détresse ont été relayés avant même le passage du cyclone, alors que les habitants étaient appelés à se barricader chez eux après que l’ouragan a été placé, dans la nuit de mercredi à jeudi, en vigilance violette, le plus haut niveau d’alerte météorologique. Un homme, confiné à son domicile avec sa famille à Saint-Martin, filme au petit matin l’arrivée progressive de l’ouragan, avant qu’un impact s’écrase sur son toit et que la panique se lise sur son visage. « On est mal », répète-t-il comme un leitmotiv sur cette vidéo diffusée par France 2.

« Nous étions face à un phénomène d’une ampleur inégalée », a témoigné un journaliste d’Outre-mer 1re, Steve Prudent. Lui s’était « calfeutré dans un hôtel supposé être un endroit sûr » : « Plusieurs chambres ont littéralement implosé » et les murs en béton « vibraient comme du carton », a-t-il témoigné.

Kevin, graphiste de 27 ans installé à Saint-Barthélemy, était seul chez lui lors du passage de l’ouragan. Il a exposé à la radio RMC l’instinct de survie qui l’a assailli face au danger, mais aussi son sentiment de panique :

« J’ai passé le cyclone tout seul enfermé dans mon bureau à essayer de protéger mes affaires. Je me suis réfugié sous les tables avec un matelas pour me protéger si jamais un projectile traversait le toit. Ça a été très long, je sentais le sol et les murs trembler. C’était terrifiant, c’était horrible. On se sent très petit, on se sent insignifiant»

Les témoins rapportent un événement d’une violence inouïe, qui a suscité chez tous une grande détresse et un ineffable sentiment d’impuissance. « Je me voyais vraiment y passer. Le plus angoissant, c’est l’incertitude, rien n’est sous contrôle, c’est la nature qui parle », poursuit Kevin, qui détaille également les répercussions physiologiques d’un tel événement, « la pression des oreilles et des sinus », « une torture ».

« En mode survie »

Puis le calme qui s’ouvre sur un paysage dévasté. De nombreux habitants parlent de « chaos », de « désastre », d’un paysage à peine reconnaissable. « On aurait dit qu’une bombe avait explosé et brûlé toute la végétation », résume encore Kevin, évoquant « un film d’horreur ». A Saint-Martin, le bilan est le même : « Tout ce qui n’avait pas un minimum de solidité n’existe plus », a fait savoir le journaliste Steve Prudent. « C’est un cauchemar », a confirmé une autre journaliste de Guadeloupe 1re.

Au paysage apocalyptique s’ajoute l’isolement des sinistrés. Les deux îles sont sans eau potable, sans électricité, les bâtiments publics inutilisables, les maisons détruites, les arbres arrachés et les services de secours eux-mêmes dévastés. « On essaye d’avoir des groupes électrogènes pour recharger nos portables, pour retrouver nos proches », confie un jeune homme se filmant avec son smartphone, et dont le témoignage a été relayé par Guadeloupe 1re. « On est en mode survie, on essaie de récupérer des denrées, d’avoir de l’eau », ajoute son ami à ses côtés.

« La situation est dramatique », a reconnu le préfet de la Guadeloupe, Eric Maire. Un pont aérien devrait être mis en place jeudi entre la Guadeloupe et les deux îles frappées pour tenter d’évaluer les dégâts, déjà jugés « très importants » après des rafales qui ont dépassé par moments les 300 km/h.

Des renforts, mais aussi des réserves d’eau et du matériel de secours, partiront également par voie maritime. Des chiens seront utilisés pour retrouver, le cas échéant, des personnes ensevelies sous les décombres. Mais une question demeure, comme un leitmotiv pour ces habitants isolés et démunis : « Combien de temps cela va-t-il durer ? »