La Fed tente un retour à la normale
La Fed tente un retour à la normale
Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
La banque centrale américaine poursuit le très lent retour à la normale de la politique monétaire après les mesures exceptionnelles prises dans la foulée de la grande crise financière de 2008.
Après deux jours de réunion, la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) a décidé, mercredi 20 septembre, de ne pas augmenter ses taux d’intérêts, mais de commencer à réduire son bilan. Cette décision est historique.
Sa présidente Janet Yellen, dont le mandat arrive à échéance début février 2018, poursuit ainsi le très lent retour à la normale de la politique monétaire après les mesures exceptionnelles prises dans la foulée de la grande crise financière de 2008.
Réduire le bilan qu’est-ce que cela veut dire et pourquoi la Fed le fait-elle ?
La décision la plus importante consiste à réduire le bilan de la banque. Depuis fin 2008, la banque centrale américaine a prêté aux banques et aux entreprises en leur achetant massivement obligations, titres monétaires et prêts immobiliers.
Ce faisant, le premier objectif était d’augmenter la liquidité : c’était l’époque où personne ne prêtait à personne, ce qui menaçait l’économie américaine et mondiale de syncope.Le deuxième objectif était de réduire les taux d’intérêts à long terme exigés auprès des banques et des entreprises par le marché, pour relancer l’économie.
Cette politique a permis aussi à de nombreux ménages de refinancer leurs prêts immobiliers.Si la Fed prête à tout va, le loyer de l’argent, logiquement, baisse en dépit du risque estimé, à tort ou a raison, par les marchés financiers.
Les taux à dix ans, qui étaient de 4 % en 2010 sont aujourd’hui de 2,24 %. Une étude de la Fed, en avril, évaluait à 1 point la baisse des taux induite par sa politique.
Mais cette politique non orthodoxe, baptisée « Quantitative Easing », a conduit la banque centrale à accumuler des titres (obligations, titres monétaires et prêts immobiliers) pour un montant total 4 200 milliards de dollars. Avant crise, son bilan était de 900 milliards.
En raison de l’expansion de l’économie, ce bilan ne devrait jamais retrouver de tels niveaux mais se situer entre 2,4 et 3,5 milliards d’ici à dix ans, selon le président de la Fed de New York, William Dudley.
Comment la Réserve fédérale va-t-elle procéder à cette réduction ?
Techniquement, la Fed ne devrait pas revendre sur le marché les titres qu’elle a achetés depuis des années. Elle ne va pas en racheter de nouveaux lorsqu’elle sera remboursée en cash par les entreprises et les banques à l’arrivée à échéance des tritres qu’elle possède.
Il s’agit d’un processus long qui devrait être très progressif. Selon le New York Times et le Wall Street Journal, la Fed devrait commencer par réduire son bilan de 10 milliards par mois pendant trois mois, puis 20 milliards les trois mois suivants avant d’atteindre 50 milliards au bout d’un an
Depuis quand la Fed ressere-t-elle sa politique monétaire ?
La banque centrale américaine a commencé à remonter ses taux directeurs il y a deux ans, fin 2015. Ceux-ci ont ainsi été relevés à quatre reprises et sont compris aujourd’hui entre 1 et 1,25 point. Une nouvelle remontée reste attendue d’ici à la fin de l’année. La Fed est toutefois perplexe face la faiblesse persistante de l’inflation (l’évolution des prix), qui demeure inférieure à 2 %, en dépit de la bonne tenue de l’emploi.
L’inflation est légèrement remontée en août (1,7 % sur un an), avec la hausse du prix de l’essence, suite à la fermeture des raffineries du Golfe du Mexique pour cause d’ouragans. Cette tendance pourrait se poursuivre avec la surchauffe salariale attendue avec la reconstruction du Texas et de la Floride après les ouragans et la hausse du prix de l’essence. Il n’empêche, l’économie connaît une croissance sans inflation.
Toutefois, les observateurs ne s’attendent pas à ce que le loyer de l’argent remonte au-delà de 3 % ce qui pourrait être un problème en cas de récession, alors que l’économie américaine a retrouvé le chemin de la croissance depuis fin 2009.
Les marchés financiers sont légèrement fébriles, ne sachant pas mesurer l’impact réel de ce retour très progressif à la normale de la politique de la Fed. En 2014, la banque centrale avait annoncé un mouvement de hausse, qui avait provoqué une crise obligataire mondiale. Elle avait fait preuve de prudence par la suite.
Aujourd’hui, le mouvement de la Fed pourrait conduire la Banque centrale européenne (BCE) à suivre à moyen terme un chemin analogue. « La marée se retire », a estimé le patron de JP Morgan James Dimon, s’inquiétant de ce que ce retour à la normale « risque d’être plus perturbant que ce que les gens croient ».