Au Venezuela, le pouvoir et l’opposition mesurent leurs forces dans les régions
Au Venezuela, le pouvoir et l’opposition mesurent leurs forces dans les régions
Par Paulo A. Paranagua
Après quatre mois de manifestations et d’une répression brutale, le régime pourrait perdre entre 12 et 18 Etats, ce dimanche, lors de l’élection des gouverneurs.
L’opposant vénézuélien Henrique Capriles lors d’un discours, à Caracas, le 11 octobre 2017. / JUAN BARRETO / AFP
Les Vénézuéliens sont convoqués aux urnes, dimanche 15 octobre, pour élire les gouverneurs des 23 Etats du pays. Pour la première fois depuis les législatives de décembre 2015, remportées à une large majorité par les opposants, ces derniers auront l’occasion de mesurer leurs forces avec les partisans du président Nicolas Maduro, le successeur du charismatique Hugo Chavez (1999-2013). L’élection des gouverneurs aurait dû avoir lieu en décembre 2016, mais elles avaient été suspendues à la suite de la chute de popularité du régime chaviste.
Après quatre mois de manifestations organisées par l’opposition et d’une répression brutale, qui se sont soldées par 130 morts et des milliers de blessés, M. Maduro a convoqué une Assemblée constituante désignée grâce à un scrutin sur mesure, contraire au suffrage universel et à la Constitution. La fraude a déconsidéré cette Constituante, qui n’a été reconnue ni par la communauté internationale ni par les opposants.
Face à la complicité du Conseil national électoral (CNE), aux ordres de l’exécutif, quelques figures de l’opposition ont appelé à l’abstention lors de l’élection des gouverneurs. A les entendre, seule la rue serait capable de mettre un terme à une « dictature ». La Table de l’unité démocratique (MUD), la coalition électorale de l’opposition, a préféré relever le défi pour faire évoluer le rapport de force. Lors des primaires tenues par les opposants, le 10 septembre, le vieux parti social-démocrate, Action démocratique, a remporté la plupart des candidatures grâce à son implantation en province.
Chausse-trappes
Le CNE a multiplié les chausse-trappes. La date de l’élection a été avancée pour réduire la campagne au minimum. Quatre jours avant le scrutin, plus de 700 000 électeurs ont été redéployés vers d’autres bureaux de vote, sans que les intéressés soient dûment informés. « Electeur de l’Etat de Miranda [périphérie de Caracas], j’étais inscrit à l’école Saint-Ignace, confie l’éditeur Sergio Dahbar, joint au téléphone à Caracas. J’ai été transféré à l’école Peñalver, loin de là. A l’évidence, le chavisme tente par tous les moyens d’éviter une débâcle comme aux législatives de 2015. » L’opposition a tout fait pour réduire l’abstention, qui profiterait aux candidats du pouvoir. « Beaucoup d’abstentionnistes ont fini par comprendre la nécessité de voter dimanche », affirme M. Dahbar.
Pour contrer l’impopularité gouvernementale, M. Maduro a évité de faire campagne auprès de ses candidats, comme le faisait Hugo Chavez. Les chavistes ont souvent abandonné leur tee-shirt rouge et minimisé dans leur propagande l’investiture du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV). « Le PSUV est une excellente machine électorale », rappelle Luz Mely Reyes, directrice du site d’information Efecto Cocuyo.
Henrique Capriles, gouverneur sortant de Miranda, a sillonné le pays pour soutenir les candidats unitaires de l’opposition. Il ne pouvait pas se représenter car il a été privé de ses droits politiques par le régime. Grâce à ses deux candidatures présidentielles, contre M. Chavez en 2012, puis l’année suivante contre M. Maduro, il reste l’opposant le plus réputé. Tous les pronostics évoquent une progression de la MUD, qui pourrait l’emporter dans 12 à 18 Etats, au lieu de trois actuellement.
L’ambiance reste tendue. « Le triomphe annoncé des opposants compliquera le panorama politique », estime Mme Reyes. Le chavisme et l’opposition campent chacun sur leur propre légitimité. Les opposants contrôlent le Parlement, dont toutes les décisions ont été neutralisées par la Cour suprême. A part le législatif, les chavistes verrouillent tous les autres pouvoirs, sans oublier les forces armées et la rente pétrolière.
« Si les opposants remportent 18 Etats, est-ce que l’Assemblée constituante va accepter ce résultat, alors qu’elle prétend se situer au-dessus de toutes les institutions et détenir les pleins pouvoirs ?, se demande M. Dahbar. Maduro maintiendra-t-il la présidentielle de 2018, alors qu’il n’accepte pas l’alternance ? Si la victoire de l’opposition dimanche n’est pas reconnue, on peut prévoir un retour des protestations dans la rue. »
Paroles de Vénézuéliens blessés lors des manifestations contre le pouvoir