« Pour le réconfort » : trentenaires en proie à la lutte des classes
« Pour le réconfort » : trentenaires en proie à la lutte des classes
Par Mathieu Macheret
Le metteur en scène et comédien Vincent Macaigne signe son film le plus abouti sur l’échec larvé d’une génération.
Les films réalisés par Vincent Macaigne, metteur en scène et comédien né en 1978, sont plus proches des pièces d’écorché vif qu’il signe pour le théâtre (Au moins j’aurais laissé un beau cadavre, 2011), le gigantisme en moins, que des personnages doux dingues qu’il incarne régulièrement pour le jeune cinéma français (La Bataille de Solférino, de Justine Triet, Tonnerre, de Guillaume Brac, La Loi de la jungle, d’Antonin Peretjatko). Hantés par une quête de sens générationnelle, ils se caractérisent par leur mélange farouche d’extériorisation psychologique et de brutalisme formel. Après le moyen-métrage Ce qu’il restera de nous (2012) et le téléfilm Dom Juan et Sganarelle (2016), Pour le réconfort, œuvre inégale mais indéniablement habitée et souvent stimulante, apparaît clairement comme son film le plus abouti à ce jour.
Celui-ci se présente comme une sorte de Cerisaie transposée dans la France contemporaine, mais dont la langueur douloureuse aurait été revue et corrigée par l’acrimonie éruptive d’un Thomas Bernhard. Deux enfants de la néobourgeoisie mondialisée, Pauline (Pauline Lorillard) et Pascal (Pascal Rénéric), ayant dilapidé la fortune familiale, reviennent dans leur domaine grevé de dettes de l’Orléanais afin d’en organiser la vente.
Désenchantement politique
Mais le projet engage d’anciens amis moins favorisés par le sort, qui sont restés sur place et ont dû se construire par le travail. Notamment Emmanuel (Emmanuel Matte), qui compte racheter le terrain pour y agrandir son parc de maisons de retraite. Le refoulé de classe et le désenchantement politique ne tardent pas à rejaillir lors de ces retrouvailles qui virent bientôt au règlement de comptes.
Pour le réconfort surprend non seulement par sa gravité sèche et son désespoir à fleur de peau, mais surtout par l’assurance et le tranchant de sa mise en scène. Macaigne sculpte un récit étrange, fait de blocs et de trouées, ouvrant par moments d’intenses couloirs de jeu et de parole. L’image, qui cultive une forme de « saleté » numérique et granuleuse, imbibée des lumières chassieuses de l’hiver, opère tout une série de décadrages pour mieux saisir la détresse des corps et des visages. Dans ses meilleurs moments, le film traduit avec intensité l’échec larvé d’une génération de trentenaires, où oisifs et laborieux participent de la même inertie.
On regrette donc que le film retombe dans des excès de théâtralité dès lors qu’il lance ses comédiens dans des sessions gueulantes d’acting out qui ne visent plus qu’à la performance et n’expriment plus, alors, que du ressentiment. La fixation sur la question de l’héritage, provoquant à l’écran des querelles de chiffonniers, ramène parfois l’ensemble vers un certain imaginaire théâtral et petit-bourgeois. Mais le véritable intérêt du film est ailleurs. Dans l’invention avec sa troupe de comédiens, d’un naturel qui doit moins au naturalisme courant qu’à la conquête d’une forme aussi viscérale que sophistiquée. Une démarche à suivre.
Teaser 1/5 - POUR LE RECONFORT, de Vincent Macaigne
Durée : 01:00
Film français de Vincent Macaigne. Avec Pauline Lorillard, Pascal Rénéric, Emmanuel Matte, Laurent Papot, Joséphine de Meaux, Laure Calamy (1 h 31). Sur le web : www.ufo-distribution.com/prochainement/pour-le-reconfort, www.facebook.com/ufodistrib