Daniil Medvedev face à Karen Khachanov, le 7 novembre à Milan. / Luca Bruno / AP

Visuellement, le court central de cet ATP Next Gen de Milan est une réussite. Sobre et épuré, le rectangle bleu foncé sur fond bleu ciel ne dispose ni de couloirs inutiles en simple, ni de juges de ligne campés derrière les joueurs. Le sigle ATP apposé sur le filet, les sponsors sur les panneaux et les 4 500 spectateurs, prouvent qu’il s’agit bien d’un tournoi professionnel.

Pendant cinq jours, ce court a vu s’affronter huit joueurs, les sept meilleurs du monde de moins de 21 ans classés entre la 37e et la 65e place mondiale, plus un talentueux italien invité par les organisateurs. Il a vu la victoire finale du Coréen Hyeon Chung. Ici, à part une rémunération attractive, il n’y avait aucun point à gagner pour les joueurs. Seulement la satisfaction de se mesurer aux autres futures stars déjà annoncées par l’ATP.

Flopée de nouvelles règles

Ce tournoi est surtout un laboratoire où sont testées une flopée de règles et d’innovations : un chronomètre pour limiter les temps morts, un système électronique de détection des fautes, des tablettes et un micro-casque à disposition des joueurs entre les sets pour recevoir des conseils de leur coach et la possibilité donnée aux spectateurs de se déplacer à tout moment dans les tribunes. D’autres règles touchent le déroulement du jeu. Le let n’existe plus et le format est réduit. Les matchs se déroulent au meilleur des 5 sets mais avec des sets en 4 jeux (tie-break à 3-3) et un point décisif à 40-40.

Dès les premiers coups de raquettes, les spectateurs appréhendent rapidement ces règles. « Fault ! » Une voix quelque peu robotique indique que la balle du serveur n’est pas dans le carré de service. « Out ! » Les juges de ligne ont été remplacés par une annonce automatisée.

Le jeu a commencé depuis une dizaine de minutes, mais les spectateurs continuent à arriver au compte-gouttes. Plusieurs groupes de personnes descendent les marches des gradins à la recherche de leur place sans faire attention au point qui se déroule à quelques mètres. Denis Shapovalov mène face au Coréen Hyeon Chung. Quelques minutes après, il clôt le premier set : 4-1 en 15 minutes. Le blond aux cheveux longs regagne son banc, pianote sur un écran où il regarde différentes statistiques sur son premier set : pourcentage de 1er service, pourcentage de retour, zones de services etc. Il enfile ensuite un casque sur ses oreilles. Sur l’écran géant, les spectateurs le voient alors discuter avec son coach doté du même casque et installé dans la tribune derrière lui.

Le chronomètre au service, l’innovation la plus appréciée

Toujours à proximité, Chris Kermode, le directeur de l’ATP surveille avec attention l’application de ces règles incongrues qui pourraient dérouter les joueurs et les spectateurs. L’organisation a fait des études de consommation dans le monde sur ce que les nouveaux marchés et les nouvelles générations aimeraient voir dans le tennis. Ces nouvelles règles sont le résultat de cette étude. « Je pense que chaque sport doit s’adapter, doit faire des changements, nous n’allons pas faire des changements pour changer, mais nous regardons vers l’avenir, vers la prochaine génération de fans », explique l’ancien joueur britannique à la tête de l’ATP depuis 2014.

Andrey Rublev lors de la finale face à Hyeon Chung. / Antonio Calanni / AP

Le shot clock est le changement le plus apprécié par les joueurs au moment de faire le bilan en conférence de presse. Ce chronomètre activé par l’arbitre décompte le temps du service de chaque joueur et leur évite de dépasser les 25 secondes réglementaires pour donner plus de rythme à la rencontre. Cette innovation pourrait être la première à faire son apparition sur le circuit selon Chris Kermode : « Le shot clock ça peut être possible dès 2019. Les gens en parlent depuis des années. Alors, allons-y ! ».

Un changement de format plus difficile à appliquer

Les règles qui influent davantage sur le jeu seront plus difficiles à faire passer. Les joueurs et l’arbitre ont d’ailleurs commis quelques erreurs les premiers jours. Lors du match d’ouverture, Carlos Bernardes l’arbitre de chaise, annonce une balle let sur un service de Daniil Medvedev. Le lendemain, le même Medvedev s’emmêle les pinceaux dans le score. Mené 1-3 dans le troisième set, le Russe s’assoit sur son banc, prend son casque avant de lever les yeux vers l’arbitre et de comprendre qu’il n’y a pas de changement de côté et que le set n’est pas terminé.

Dans l’ensemble, le public est assez enthousiaste devant ces nouvelles règles. A 15 ans Loris assiste pour la première fois à un tournoi de tennis professionnel. Une balle de tennis signée par un joueur américain dans les bras, ce jeune licencié ne trouve rien à jeter, même le format : « Ça accélère le jeu c’est bien. Des fois sur certains tournois juniors je joue aussi en 4 jeux. Le point décisif, c’est sympa. Un jeu ne dure pas des heures. »

Le patron du tennis mondial tient cependant à rassurer les fans échaudés par ce tennis express : « Je ne suis pas en train de dire que nous allons faire ces changements dans un, deux trois ou cinq ans. Les joueurs qui en sont à la moitié de leur carrière sont à la recherche d’un héritage et si vous changez les règles vous changez leur histoire. Toute la question est de savoir comment les intégrer progressivement, peut-être en les introduisant sur le circuit challenger, en commençant avec une génération qui a grandi avec. » Aucune chance donc, de voir un jour une finale Federer- Nadal avec des sets en 4 jeux et sans avantage.