Bernard Laporte fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports pour des soupçons de favoritisme. / Alastair Grant / AP

Onze mois après son accession à la présidence de la Fédération française de rugby (FFR), Bernard Laporte savoure un second succès électoral. Faisant fi des conjectures les plus pessimistes, la France a gagné le droit d’organiser la Coupe du monde 2023 : 24 voix pour elle au second tour, 15 pour l’Afrique du Sud, mercredi 15 novembre, dans un salon londonien du Royal Garden Hotel.

Succès précieux : il offre à Bernard Laporte une satisfaction de taille sur le plan international, alors même que des affaires nationales fragilisent sa position à la tête de la FFR. Le ministère des sports devrait communiquer dans les semaines à venir les résultats d’une enquête interne ouverte sur le dirigeant, depuis le 30 août, pour soupçon de favoritisme envers le club de Montpellier. L’obtention du Mondial 2023 « ne change absolument rien, on ne mélange pas tout », a répliqué Bernard Laporte, une manière de bien dissocier les dossiers.

« Je respecte complètement les inspections, je sais ce que c’est, j’ai été secrétaire d’Etat aux sports pendant deux ans », poursuit l’ancien membre (2007-2009) du gouvernement Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Tout à sa joie de la victoire, M. Laporte a d’autant plus apprécié le succès de mercredi que la candidature française avait « beaucoup de détracteurs », selon lui. Sans préciser lesquels. « On s’en fout des détracteurs, tant pis pour eux, je n’aurais pas de pensée pour eux. »

« Il fallait qu’on gagne »

L’ancien entraîneur du Stade français et de Toulon, triple champion d’Europe, se dit plutôt ravi pour « le monde du rugby amateur » . « Vous ne pouvez pas vous imaginer une seconde les retombées économiques » qui iront à lui, a-t-il promis aux journalistes. « Avec toutes les réformes que nous avons engagées, il fallait qu’on gagne [l’organisation du Mondial 2023] ; je ne dirais pas que c’est un aboutissement, mais c’est un élément important dans l’évolution de notre rugby. »

Malgré les soupçons pesant sur lui au niveau national, M. Laporte a revendiqué son rôle de « dépositaire » dans le dossier 2023. Et le premier représentant, à en juger par le clip de campagne folko-promotionnel qui lui donnait le premier rôle, au milieu d’un échassier, d’un garçon de café ou d’une danseuse du Moulin-Rouge. « Ce n’est pas la Coupe du monde de Bernard Laporte ou de Claude Atcher [directeur de la candidature] », a pourtant assuré le dirigeant, qui comptait également à Londres sur deux anciens joueurs du XV de France comme ambassadeurs : Sébastien Chabal et Frédéric Michalak, deux hommes qu’il entraînait en équipe de France lors de la Coupe du monde 2007, déjà organisée à domicile.

« On ne peut pas parler d’autre chose aujourd’hui ? », a demandé Serge Simon, avec le sourire, à l’évocation du rapport ministériel. Le vice-président de la FFR, proche de M. Laporte, préfère retenir l’« énorme chantier réussi » que représente la victoire de « France 2023 ». « On fait notre boulot et on bosse bien. »

Le 23 septembre, Bernard Laporte s’en prenait à « une certaine élite journalistique parisienne » faite, selon lui, d’individus « qui s’improvisent procureur général sur la place publique ». A l’occasion d’une assemblée générale de la FFR, à Avignon, le président allait jusqu’à considérer que le contexte national pouvait mettre « en péril » la candidature française pour le Mondial 2023.

Le dossier brûlant du XV de France

L’ouverture d’une inspection ministérielle n’a intéressé qu’« un microcosme politico-médiatique en France », estime aujourd’hui la communicante Anne Hommel, elle aussi présente à Londres. La responsable de l’agence Majorelle collabore avec la FFR depuis le printemps pour les besoins de la candidature française, qui n’a pas eu, selon elle, à souffrir du contexte national. « Sans parler de victimisation, parce que ce n’est pas à moi d’en juger, il y a eu une sorte de pression et d’acharnement très très forte de la part de quelques titres », ajoute Anne Hommel. Bernard Laporte a réclamé dans L’Equipe un droit de réponse, à la suite d’une succession d’articles sur l’affaire, et annoncé son intention de porter plainte.

Si Bernard Laporte sort renforcé de ce succès, un autre homme du rugby français se voit, lui, mis sous pression. En juin, le président avait réclamé à Guy Novès, sélectionneur du XV de France, au moins trois victoires sur quatre cet automne : après deux défaites face à la Nouvelle-Zélande, le XV de France pourra au mieux en obtenir deux, contre l’Afrique du Sud le 18 novembre puis le Japon, une semaine plus tard. Le bilan de Guy Novès est de cinq victoires et dix défaites depuis son intronisation en 2016, avant l’élection de Bernard Laporte.

Les deux hommes ne cachent pas des relations distantes et le renforcement de la position de M. Laporte, s’il se confirmait après la publication de l’enquête ministérielle, mettrait le président de la Fédération en situation d’intervenir sur le dossier brûlant de la situation du XV de France.