La faiblesse des salaires publics pèse (aussi) sur l’inflation
La faiblesse des salaires publics pèse (aussi) sur l’inflation
LE MONDE ECONOMIE
Une étude souligne comment, depuis la crise, la faible hausse des rémunérations dans le secteur public a en partie déterminé celle du privé.
C’est l’un des grands mystères sur lequel les économistes s’arrachent actuellement les cheveux : en dépit de la reprise, l’inflation reste anormalement basse dans les pays de l’Organisation de coopération et développements économiques (OCDE). « C’est en partie lié à la faiblesse des cours du pétrole, mais aussi, et surtout, à celle des salaires », explique Véronique Riches-Flores, économiste indépendante.
Coupable ? La persistance d’un chômage encore élevé, bien sûr : face au grand nombre de candidats sur le marché du travail, les entreprises n’ont pas besoin d’accorder des augmentations. Mais pas seulement. « Austérité oblige, l’évolution des salaires publics a également été faible depuis 2009 dans beaucoup d’économies », expliquent Gabriel Stern et Rinalds Gerinovics, économiste chez Oxford Economics. IIs viennent de publier une étude passant au crible l’incidence de cette modération, intitulée « L’austérité pèse toujours sur l’ensemble des salaires ».
Si avant la crise, les salaires publics étaient plus dynamiques que ceux du privé dans nombre de pays européens, les courbes se sont ensuite inversées. Depuis 2009, la hausse des traitements des fonctionnaires a ainsi été en moyenne inférieure de 0,5 point par an à celle du privé dans l’OCDE. Et même de 1,4 point en Italie, de 0,7 point en Espagne et 0,7 point au Royaume-Uni. La différence n’a en revanche été que de 0,2 point en France tandis qu’en Allemagne, pays faisant figure d’exception, les traitements ont progressé de 0,3 point de plus par an que dans le privé sur la période.
Un baromètre pour nombre d’employeurs
« Cette modération a un impact déterminant, car l’emploi public représente 18 % de l’emploi total dans les pays de l’OCDE », expliquent les auteurs. Une part s’élevant même à 21,3 % pour la France, et 28,5 % pour la Suède. Mais ce n’est pas tout : l’anémie des salaires publics a également « contaminé » celle du privé par deux mécanismes.
D’abord, ils servent de baromètre à nombre d’employeurs lors des négociations salariales. Ensuite, la faiblesse des traitements a poussé les fonctionnaires de certains pays à quitter le public pour le privé. Cet afflux de travailleurs s’ajoutant à ceux déjà sur le marché du travail a également pesé sur les négociations salariales dans l’industrie et les services marchands.
Certes, la modération des rémunérations publiques a soulagé les finances des Etats – c’est d’ailleurs ce qui a justifié les politiques de rigueur. Dans une certaine mesure, expliquent les économistes, elle peut aussi se traduire par un gain de compétitivité, de productivité et, à terme, par une hausse des salaires dans le privé.
Reste que ces prochains mois, elle continuera de peser sur le niveau global de l’inflation, même si certains pays recommencent à augmenter plus généreusement leurs agents publics. En outre, il n’est pas certain qu’un rebond des salaires se traduise par un regain d’inflation. Soumis à une concurrence accrue des pays à bas coût et des plates-formes de e-commerce, comme Amazon, nombre d’entreprises pourraient être tentées de rogner leurs marges plutôt que d’augmenter leurs tarifs, afin de ne pas perdre de parts de marché. Au grand dam des banquiers centraux, dont la grande mission est de tirer l’inflation vers les 2 %…