Fondée au milieu des ­années 1930 par Enrique Carreras et William Hinds, la compagnie britannique Hammer Film Productions est désormais reconnue, bien au-delà du cercle des aficionados, comme la société de production qui a révolutionné ce qui peut se regrouper sous l’appellation vague et générique de « cinéma fantastique ».

Elle contribua, au milieu des années 1950, à inventer une mode de la science-fiction typiquement anglaise avec Le Monstre et La Marque, tous deux signés Val Guest, avant de ressusciter, cette fois-ci en couleur, tous les monstres du cheptel gothique : Frankenstein, Dracula, le loup-garou, la momie…

Le ­cinéma de la Hammer est devenu aujourd’hui un moment de l’histoire du septième art

L’éditeur Elephant Films propose en DVD ou Blu-ray neuf nouveaux titres produits par la Hammer, des films qui incarnent divers sous-genres d’un art de la terreur méprisé en son temps par la critique « sérieuse » et adulé par les amateurs d’un ­cinéma de la fantaisie pure que l’on jugeait immédiatement transgressif au nom d’une vulgate surréalisante un peu forcée et parce que les censeurs ne l’aimaient pas. Le ­cinéma de la Hammer, devenu aujourd’hui un moment de l’histoire du septième art, peut être évalué avec un regard désormais détaché des passions d’antan.

C’est le réalisateur Terence Fisher qui débuta la vague « gothique » avec Frankenstein s’est échappé puis Le Cauchemar de Dracula, respectivement en 1957 et 1958. La Hammer lui confiera d’ailleurs, jusqu’en 1962, tous les films relevant de ce registre. Trois titres signés de Fisher, réalisés entre 1960 et 1962, font partie de la livraison.

Une œuvre hantée par le XIXe siècle

Les Maîtresses de Dracula (1960) reprend le thème du vampirisme considéré comme un pur déchaînement pulsionnel. Le monstre y est un éphèbe blondinet qui fait chavirer les jeunes femmes tombant irrépressiblement sous son charme mortel. Ce bovarysme inquiet, qui court à travers toute l’œuvre du cinéaste, confirme à quel point celle-ci est hantée par le XIXe siècle et par le conflit qui s’y joue entre une rationalité scientifique censée dominer l’organisation sociale ainsi que l’économie et la persistance archaïque de la métaphysique – conflit que Fisher s’amuse à brouiller.

La Nuit du loup-garou (1961) et Le Fantôme de l’opéra (1962), d’après le roman de Gaston Leroux, témoignent de façon limpide du virage que prend l’œuvre de Terence Fisher, un virage mélodramatique qui nourrit ses fictions d’amours entravés et impossibles et de malédictions sociales. La mise en scène se caractérise par la retenue et le dédain du lyrisme et de l’enluminure. Terence Fisher est surtout un conservateur anxieux. Aussi séduisante qu’elle soit, la puissance de subversion du mal, produit par l’imaginaire, est approchée avec effroi, d’autant plus qu’elle semble disséminée au cœur d’une société bourgeoise engluée dans son matérialisme. Les films de Fisher sont peut-être moins des films d’horreur que des mélos en costume.

Les films de Fisher sont peut-être moins des films d’horreur que des mélos en costume

En plus de ces trois chefs-d’œuvre, Elephant films propose d’autres perles dont l’agréable Fascinant Capitaine Clegg (1962), de Peter Graham Scott, ou l’hérétique Baiser du vampire (1963),de Don Sharp. Mais il y a aussi Paranoïaque (1963) et Meurtre par procuration (1964), tous deux signés par Freddie Francis, chef opérateur passé à la réalisation. Deux films de suspense « à machinations » dont les récits tortueux sont bourrés de surprises, d’apparences trompeuses, de chausse-trapes.

On y décèle une double influence qui est aussi l’explication de leur fabrication opportuniste : celle des Diaboliques (1954), de Henri-Georges Clouzot, et, bien sûr, celle du Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock dont ils constituent d’agréables, quoique plus frivoles, variantes. Les deux titres sont écrits par Jimmy Sangster, petit génie à l’imagination fertile et fiévreuse, alors régulièrement employé par la Hammer.

Teaser - Les cauchemars de la Hammer chez Elephant Films !
Durée : 01:31

Neuf films vendus séparément en DVD ou Blu-ray, Elephant Films ; sortie le 5 décembre, chez le même éditeur, du coffret 13 cauchemars de la Hammer.