A Alger, Macron refuse d’être « otage du passé »
A Alger, Macron refuse d’être « otage du passé »
Le Monde.fr avec AFP
« C’est une histoire nouvelle qui s’écrit », a affirmé Emmanuel Macron en terminant sa première visite en tant que président en Algérie.
L’Algérie et la France doivent avoir « des relations beaucoup plus développées qu’aujourd’hui », a déclaré, mercredi 6 décembre, Emmanuel Macron, en appelant à ne pas rester « otages » du passé douloureux entre les deux pays. « C’est une histoire nouvelle qui s’écrit », a affirmé le président en terminant sa première visite en tant que président en Algérie.
Si elle n’a duré qu’une douzaine d’heures, sa visite a été particulièrement dense. Le président français a notamment rencontré durant une heure son homologue Abdelaziz Bouteflika, 80 ans, dans sa résidence médicale à l’ouest d’Alger. Affaibli par les séquelles d’un AVC survenu en 2013, qui a affecté sa mobilité et son élocution, ce dernier, au pouvoir depuis 1999, reçoit peu de dignitaires étrangers. Il a invité M. Macron à revenir pour une « visite d’Etat », donc plus longue, en 2018.
« L’ambition que j’ai pour la relation entre l’Algérie et la France n’a rien à voir avec ce qu’on a fait depuis des décennies », a déclaré le chef de l’Etat, premier président de la Ve République à être né après la guerre d’Algérie (1954-1962).
De ce fait, « je ne suis pas bloqué, je suis très décomplexé » par rapport à ce passé, a-t-il ajouté devant la presse. « Le piège est de rester dans le déni et de ne jamais en parler, ou d’être dans la repentance et de ne jamais en sortir. Le cœur de notre relation c’est de reconnaître ce qui a été fait de bien comme de mal. J’ai reconnu avec beaucoup de force le mal qui a été fait », a-t-il précisé dans un entretien au site algérien TSA.
Il faisait ainsi référence aux propos qu’il avait tenus lors de son précédent séjour à Alger durant la campagne électorale française. Il avait alors qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », suscitant des espoirs de « repentance » à Alger et de vives critiques de ses opposants en France.
Macron demande des « efforts » aux autorités
M. Macron a fait un geste pour régler l’un des contentieux historiques entre les deux pays, en annonçant qu’il était « prêt » à ce que la France restitue des crânes d’insurgés algériens tués au XIXe siècle par l’armée française et conservés au Musée de l’homme à Paris.
Mais, parallèlement, il a demandé des « efforts » aux autorités algériennes, notamment pour permettre aux Français « qui sont nés en Algérie » et « aiment passionnément » ce pays à y retourner, tout comme « des harkis et enfants de harkis ». « On doit pouvoir regarder cette question de manière apaisée », a-t-il souhaité. Les dirigeants algériens ne se sont pas exprimés face à la presse à l’issue de cette visite.
M. Macron a provoqué une cohue bon enfant en descendant l’une des artères du centre historique d’Alger, accueilli par des youyous descendant des balcons des vieux immeubles haussmanniens. « C’est bien qu’un président nous parle. On n’a jamais connu ça avec les nôtres », s’est enthousiasmée Yassine, trentenaire, parmi les badauds agglutinés derrière des barrières. « Vous avez de la chance, il est jeune votre président », commentait une Algérienne à l’adresse des journalistes français.
Alléger les contraintes dans la circulation entre les deux pays
« J’ai vu trop de jeunes qui m’ont demandé un visa », a indiqué ensuite le chef de l’Etat français, en appelant à alléger « les contraintes » dans la circulation des « étudiants, des apprentis, des hommes d’affaires, des journalistes, des artistes… » entre les deux pays.
« L’Algérie doit s’ouvrir d’avantage. Il y a encore beaucoup de freins à l’investissement », a-t-il également noté, alors que la France reste le premier employeur étranger en Algérie mais perd des parts de marchés face à la Chine et d’autres. Un certain nombre de projets économiques devraient avancer à l’occasion du conseil intergouvernemental de haut niveau qui réunit jeudi à Paris les premiers ministres français et algériens et plusieurs membres de leur gouvernement.
Le président français s’est également dit partisan d’un « axe fort » franco-algérien « autour de la Méditerranée qui se prolonge vers l’Afrique », où les crises au Sahel et en Libye préoccupent fortement Paris et Alger. Emmanuel Macron veut accélérer le déploiement de la force multinationale G5-Sahel (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Mauritanie) lors d’une réunion le 13 décembre à Paris.
Alger, qui dispose de nombreux relais d’influence dans la région, a parrainé les longues tractations ayant abouti en 2015 à un accord de paix au Mali, qui peine à être appliqué, suscitant l’impatience de Paris. « J’attends une coopération totale de tous ceux qui partagent l’objectif d’une paix durable au Mali. Et en effet j’attends beaucoup de l’Algérie », a expliqué le président français, qui devait s’envoler en fin de soirée pour une visite officielle de quelques heures au Qatar.