TV – « Easy » : le couple dans tous ses états
TV – « Easy » : le couple dans tous ses états
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. La deuxième saison de la série de Joe Swanberg continue d’ausculter de manière subtile les figures du couple contemporain (sur Netflix à la demande).
Easy - Season 2 | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 02:03
On était resté dans le merveilleux souvenir que nous avait laissé Easy, de Joe Swanberg, une sorte de comète poétique et isolée dans la galaxie, certes variée mais aussi très formatée, de la série, qui aurait comme jumelle l’également attachante High Maintenance, de Ben Sinclair et Katja Blichfeld (dont la saison 2 arrive sur OCS le 20 janvier). Après une première saison proposée par Netflix en 2016, voici huit épisodes qui renouvellent, tout en restant dans le même ton, le portrait par petites touches impressionnistes de couples – hétérosexuels, à l’exception, comme dans la première saison, d’un couple lesbien –, plutôt « bobo », ou de célibataires et divorcés à la recherche de nouveaux attachements.
Plus qu’à une série avec une courbe dramatique, des points de tension et des suspensions du récit, Easy s’apparente à un recueil de nouvelles connectées par thèmes. Citons à nouveau Paul Morand – dans la préface de Rococo (Grasset, 1933) – tant cette série semble répondre à cette jolie définition : « Chacune des nouvelles qui composent un recueil ne devrait être que la vue perspective d’un sujet central, capté sous un angle différent. »
Vaste galerie de situations
Easy est une manière de leçon d’anatomie du couple dans tous ses états : relations libres et expérimentales, sexe marital contre « coup » d’un soir, féministe pro-sexe et escort girl intello, jeune femme angoissée par l’idée de ne pas être mère, jeune Afro-Américaine pratiquant l’art du nouveau burlesque, frères dont les compagnes connaissent le succès professionnel tandis qu’eux végètent : la galerie est vaste. On retrouve certains des personnages de la première saison, dont le portrait psychologique est affiné. On retrouve dans le dernier épisode Annie (Kate Micucci), la jeune professeure de piano, larguée par celui qu’elle aimait. A la douleur de la séparation s’ajoute, pour cette presque quadragénaire, l’angoisse de ne pas trouver de père pour l’enfant qu’elle désire. De manière assez stupéfiante, sans le moindre rebond dramatique tout de suite perceptible, la caméra suit la jeune femme alors qu’elle s’attache à une enfant dont elle a la garde.
Elizabeth Reaser et Michael Chernus dans « Easy », saison 2, créée par Joe Swanberg. / COURTESY NETFLIX
En dépit de sa douceur et de sa relative neutralité, ce regard finit par être cruel quand il montre l’hystérie d’un attachement trop grand envers cette enfant qu’elle place au centre de son obsession. Annie s’était essayée, au cours de la saison 1, au triolisme sexuel ; va-t-elle profiter de cette relation de substitution pour constituer une sorte de famille recomposée avec la mère et son enfant ?
A moins que cette nounou d’enfer ne se mue en une figure maléfique à la Henry James du Tour d’écrou ou, pour rester dans le domaine de la série, à la manière de la baby-sitter satanique de la saison 7 d’American Horror Story : Cult (2017). Grâce à une belle et libre imagination scénaristique et à une subtilité de ton à la fois poétique et chirurgicale (parfois même assez caustique, comme dans l’épisode inaugural des bobos réunis en comité d’autodéfense de quartier), Easy se permet à nouveau de raconter presque rien tout en ouvrant des abîmes existentiels.
Easy, saison 2, créée par Joe Swanberg. Avec Kate Minucci, Jane Adams, Michael Chernus (Etats-Unis, 2017, 8 × 30 min).