Alors que la caution du nouveau Vélib’, désormais géré par Smovengo, va prochainement doubler, pour passer de 150 à 300 euros, ces nouveaux acteurs présentent une sérieuse concurrence avec une caution réduite. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Ils sont jaunes, verts ou gris, parfois garés de manière anarchique, et disponibles en quelques clics. Importés dans l’Hexagone en 2017, les vélos en free-floating, c’est-à-dire accessibles n’importe où, sans borne d’attache, entendent révolutionner à Paris et dans d’autres grandes villes françaises l’utilisation de la bicyclette.

Mais, l’arrivée de ces nouveaux engins, accessibles grâce à une application téléchargée sur smartphone permettant de géolocaliser les vélos disponibles à proximité de l’usager, bouscule la position de monopole des services historiques, tel que Vélib’ dans la capitale, non sans générer quelques remous et revers.

Une mue vers le low cost

Avec le déploiement de oBike, Gobee.bike et, plus récemment, Ofo, le vélo en ville entame une mue vers le low cost. Alors que la caution du nouveau Vélib’, désormais géré par l’exploitant Smovengo, va prochainement doubler, pour passer de 150 à 300 euros, ces nouveaux acteurs présentent une sérieuse concurrence avec une caution limitée à 5 euros pour oBike, 15 euros pour Gobee.bike, Ofo ayant même décidé de ne pas en demander.

En revanche, la première demi-heure restera gratuite sur Vélib’ pour les abonnés, contre cinquante centimes d’euro la première demi-heure chez oBike et Gobee.bike, les vingt premières minutes chez Ofo.

A Paris, les trois entreprises tirent actuellement profit du retard accumulé par l’entreprise Smovengo, qui doit livrer 24 000 nouveaux vélos et déployer 1 400 stations d’ici au 1er mai.

Le créneau du « premier et dernier kilomètre »

« C’est un hasard positif », assure Alban Sayag, directeur général d’oBike France et Belgique :

« Aujourd’hui, il y a des gens qui n’ont pas de service de vélos partagés disponibles car Vélib’ a pris beaucoup de retard, alors ils se reportent vers nous, même si, à la base, on n’est pas dans une concurrence frontale. »

Bien au contraire, défend M. Sayag, pour qui oBike est une « offre complémentaire » surtout utile « pour le premier et dernier kilomètre » à parcourir pour rejoindre une station de métro ou son lieu de travail, à la sortie du tramway, par exemple.

« Nos vélos sont faits pour parcourir des distances inférieures à 10 km, des trajets pour lesquels on n’a pas besoin de passer des vitesses, où le confort nécessaire n’est pas le même que pour un long trajet, mais pour lesquels on a besoin d’un maillage territorial plus fort. »

La concurrence promet d’être plus rude concernant le vélo électrique, développé par Vélib’, version Smovengo, mais, bientôt aussi, par certains de ses nouveaux concurrents.

La ville de Paris veut « réguler » et « encadrer »

Si des usagers se réjouissent de l’arrivée en France du free-floating, d’autres redoutent de voir les trottoirs de leur ville se transformer en espace anarchique de stationnement de ces vélos, voire de dépotoirs d’engins endommagés ou vandalisés. C’est pourquoi, à Paris, la municipalité entend « réguler » et « encadrer » le déploiement de ces bicyclettes bon marché.

Depuis plusieurs semaines, la mairie travaille sur un projet de redevance de l’occupation du domaine public. « Les recettes serviraient à développer des aires de stationnement » en nombre encore insuffisant, explique Christophe Najdovski, adjoint aux transports, qui précise que son « tarif est en cours d’évaluation ».

Autre solution défendue par la Ville, l’instauration d’une licence qui permettrait de « limiter le nombre de vélos en circulation », et d’établir « un cahier des charges », plaide M. Najdovski, qui précise que « la demande a été faite auprès du gouvernement dans le cadre de la loi sur la mobilité, qui sera discutée au printemps prochain ».

Système à points

Cette autorisation d’exploitation permettrait également d’inscrire, dit-il, « une clause sur le développement durable » pour éviter « l’arrivée massive de vélos dégradés, comme c’est le cas dans certaines villes asiatiques ». La mairie a, par ailleurs, demandé aux acteurs du marché, réunis en novembre, d’adopter une charte de bonne conduite.

Pour oBike, « premier opérateur européen », né à Singapour, la redevance est un « sujet large et compliqué », mais « pourquoi pas, si elle fait l’objet d’une loi, et si son montant n’est pas de nature à tuer un système et un service dont l’utilisateur a besoin », prévient Alban Sayag.

Laurent Kennel, directeur général en France du groupe chinois Ofo, déjà actif dans deux cents villes à travers le monde et déployé depuis décembre à Paris, se dit pour sa part « réservé », et attend d’en discuter avec la mairie « pour savoir précisément de quoi il s’agit ».

En attendant, les entreprises veulent obliger leurs utilisateurs à « se responsabiliser ». Ainsi, au moment de son inscription sur l’application oBike, chaque usager détient un crédit de 100 points qu’il peut perdre lorsque, par exemple, il ne gare pas son vélo sur les aires de stationnement. Dans ce cas, la personne peut voir le tarif du service augmenter. Ofo a également mis en place un système de points, mais « sans punition financière », relève M. Kennel.

Gobee.bike abandonne Lille, Reims et Bruxelles

Depuis leur déploiement en France et en Europe, certaines entreprises de free-floating ont essuyé quelques déboires, voire quelques échecs. Ainsi, l’arrivée massive de 1 000 vélos oBike, en octobre, à Zurich (Suisse), a suscité des réactions de rejet de la part des habitants. Résultat, un bon nombre des bicyclettes déployées ont été noyées dans la rivière Limmat.

« C’était une erreur de vouloir se déployer trop rapidement, trop massivement », concède le directeur général d’oBike, qui assure que le problème s’est « estompé » après une réduction du nombre de vélos en circulation.

Mardi 9 janvier, c’était au tour de Gobee.bike d’annoncer son départ de Lille, de Reims et de Bruxelles, trois mois après son déploiement en France. Dans un communiqué, envoyé à ses clients, la start-up explique ce choix par le nombre trop important d’engins vandalisés et volés.

« Nous avons dû affronter la triste réalité que notre vision de la mobilité n’était pas partagée par une minorité déterminée à nuire, et nous ne pouvons plus supporter ni le coût financier ni le coût moral des réparations. »

Cette annonce ne décourage pas pour autant des concurrents comme Ofo, qui a décidé de s’implanter « très progressivement ».