Des policiers chinois attendus avec appréhension en gare de Hongkong
Des policiers chinois attendus avec appréhension en gare de Hongkong
Par Florence de Changy (Hongkong, correspondance)
Le déploiement d’agents de Pékin est un nouveau signe de l’érosion de l’autonomie de l’ancienne colonie britannique.
Sur le site de la future gare qui reliera Hongkong à Canton, en novembre 2017. / DALE DE LA REY / AFP
Pour l’heure, le chantier de la future gare des trains à grande vitesse qui relieront Hongkong à la Chine continentale est encore une ruche d’ouvriers, de camions, de marteaux piqueurs et grues en tout genre. Mais dès l’automne, elle permettra aux voyageurs de rallier Canton, à 170 kilomètres de là, en moins de 45 minutes, contre un peu moins de deux heures actuellement.
La polémique, elle, est déjà installée. Ce sont des douaniers et policiers chinois qui assureront l’ordre dans la gare, au grand dam des Hongkongais. Ces derniers s’inquiètent d’une nouvelle intrusion de Pékin dans l’« autonomie », promise par la Basic Law, la mini-Constitution censée régir, depuis 1997 et jusqu’en 2047, les relations de la Chine avec sa « région administrative spéciale ».
Les voyageurs quittent jusqu’à présent Hongkong en montrant leur passeport et effectuent les formalités douanières chinoises à la gare de Canton. Et tout se passe pour le mieux. Mais fin décembre 2017, le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire à Pékin a approuvé un arrangement prévoyant le déploiement de policiers chinois. Ils auront tous les pouvoirs dans les trains, sur les quais et dans la zone de douane de la gare. Les agents chinois pourront ainsi appliquer des lois chinoises sur le sol hongkongais.
Accélérer l’intégration physique à la Chine continentale
Nombre de voix ont dénoncé ce nouveau coup de force. La décision a été imposée au mépris de l’article 18 de la mini-Constitution, qui stipule explicitement que les lois chinoises ne s’appliquent pas à Hongkong « à moins d’être ajoutées à l’annexe III », qui liste des secteurs d’intérêt national. Mais Pékin n’a même pas jugé nécessaire de se plier à cette procédure.
L’association du barreau de Hongkong s’est dite « affligée » par cette décision. La chef de l’exécutif, Carrie Lam, pro-Pékin, a alors reproché au barreau sa « mentalité élitiste » : « Ils pensent que le système juridique de Hongkong est idéal tandis que celui de la Chine continentale – un grand pays avec une population de 1,3 milliard d’habitants – n’est pas bon. » Pourtant, même un ancien président du Parlement local, Jasper Tsang, un cacique du camp pro-chinois, a admis que cet arrangement était totalement « en dehors de la Basic Law ».
L’épisode confirme l’érosion progressive mais inéluctable de l’autonomie de Hongkong. Il rappelle celui du musée. En décembre 2016, depuis Pékin, Carrie Lam avait en effet annoncé de Pékin, alors qu’elle n’était encore que secrétaire en chef du gouvernement, un projet de « Musée de la cité interdite » au sein d’un immense centre culturel en gestation depuis une vingtaine d’années, sans la moindre consultation publique préalable.
A l’instar de l’immense pont qui bientôt reliera les deux rives du delta de la rivière des perles (Hongkong-Zhuhai-Macao), le projet de train rapide a pour vocation d’accélérer l’intégration physique de Hongkong à la Chine continentale, facilitant ainsi les contacts et échanges de part et d’autre de la frontière qui continue d’exister, conformément au principe « Un pays, deux systèmes » qui a cours depuis la rétrocession, en 1997.