Il y a cinquante-cinq ans, le traité de l’Elysée marquait le rapprochement franco-allemand
Il y a cinquante-cinq ans, le traité de l’Elysée marquait le rapprochement franco-allemand
Par Edouard Pflimlin
Les Assemblées française et allemande doivent voter, lundi, un projet de résolution commune baptisée « Pour un nouveau traité de l’Elysée ».
Le 22 janvier 1963, le président de la République français, Charles de Gaulle, et le chancelier allemand, Konrad Adenauer, signaient un traité de coopération destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République fédérale d’Allemagne (RFA).
Lundi 22 janvier, c’est le 55e anniversaire du traité. D’où vient-il et que contient-il ? A quoi a-t-il servi ? Et quelles sont ses perspectives depuis l’arrivée au pouvoir en France d’Emmanuel Macron, qui veut insuffler un nouveau souffle à la dynamique européenne, alors que la chancelière allemande peine à former un nouveau gouvernement depuis l’élection du 24 septembre 2017 ?
D’où vient le traité de l’Elysée, et que contient-il ?
Le traité de l’Elysée est le fruit du rapprochement entre deux hommes d’Etat, le chancelier allemand Konrad Adenauer et le président français Charles de Gaulle. Depuis les années 1920, Adenauer attachait la plus grande importance à la réconciliation franco-allemande. « Après 1945, il était parfaitement conscient que seule l’entente entre les deux pays permettrait à la RFA d’être à nouveau pleinement acceptée en Europe et dans l’ensemble du monde occidental », explique au Monde Georges-Henri Soutou, professeur à la Sorbonne et spécialiste des relations franco-allemandes.
Après le retour au pouvoir de Charles de Gaulle, en juin 1958, Konrad Adenauer nourrit tout au long de l’été 1958 de grandes inquiétudes : de Gaulle n’était-il pas antiaméricain et antiallemand ? Mais de Gaulle et Adenauer nouent une relation particulière dès la visite du second à Colombey-les-deux-Eglises (Haute-Marne), la résidence du président français, le 14 septembre 1958. Ils constatent que leur vision du monde est identique : celle d’une Europe ayant sa personnalité historique et culturelle.
Les deux hommes se mettent d’accord sur un projet d’union politique à six pays (ceux inclus dans le marché commun adopté en 1957), c’est le « plan Fouchet ». Après son échec en avril 1962, Adenauer, en juillet 1962, répond tout de suite favorablement à la proposition du président français de reprendre l’esprit et une large part de son contenu, mais à deux : c’est le traité de l’Elysée de janvier 1963.
Ce traité prévoit que les chefs d’Etat ou de gouvernement des deux pays se rencontrent au moins deux fois par an. Les ministres des affaires étrangères et de la défense au moins une fois tous les trois mois, les chefs d’état-major au moins tous les deux mois. Une coopération étendue en matière de politique extérieure est prévue, « en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue » sur tous les problèmes d’intérêt commun. D’autre part, le traité de l’Elysée comporte en matière de défense un volet important et le préambule constate « la solidarité qui unit les deux peuples… au point de vue de leur sécurité… ».
A quoi a servi le traité entre nos deux pays ?
Le spectaculaire rapprochement des deux hommes d’Etat déclenche, au niveau populaire dans les deux pays, un véritable mouvement de réconciliation que la construction européenne n’avait pas réussi à développer jusque-là.
Ce mouvement est prolongé pour les nouvelles générations par la mise en place, par le traité de l’Elysée, de l’Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ), qui s’accompagne par un effort dans le domaine de l’enseignement de la langue du voisin. L’OFAJ propose notamment, chaque année, plus de neuf mille programmes subventionnés pour les jeunes de 3 ans à 30 ans : échanges scolaires ou universitaires ; stages obligatoires ou hors cursus ; rencontres sportives ou culturelles ; cours de langues ; offres d’emploi, formations interculturelles…
Si le traité n’a pas répondu à toutes ses promesses, la machinerie de consultations et de réunions qu’il a instaurée n’a jamais cessé de fonctionner depuis 1963. Le traité a permis que l’Allemagne et la France soient le moteur de la construction européenne. C’est pourquoi l’on parle de « couple franco-allemand » pour décrire cette relation spéciale.
Quelle nouvelle orientation donner à ce traité ?
Les deux Assemblées française et allemande doivent voter, lundi 22 janvier, un projet de résolution commune « pour un nouveau traité de l’Elysée », afin d’accorder plus de poids aux Parlements et d’orienter les discussions à venir entre les gouvernements français et allemand.
Lundi matin, une délégation de parlementaires français se rendra au Bundestag, à Berlin. Des députés allemands seront reçus à l’Assemblée nationale, à Paris, dans l’après-midi.
Dimanche, dans une déclaration commune diffusée sur les réseaux sociaux, Mme Merkel et M. Macron ont affirmé leur « détermination à approfondir encore la coopération » entre la France et l’Allemagne. Ce texte est un appel aux citoyens, en particulier aux jeunes, à « faire vivre cette amitié franco-allemande ».
La déclaration précise que le président et la chancelière « sont convenus d’élaborer au cours de cette année un nouveau traité de l’Elysée ». Il s’agit en particulier d’« approfondir l’intégration » des deux économies, « en encourageant notamment une harmonisation bilatérale des législations », et de « renforcer les liens » entre les deux sociétés civiles. Ils appellent en outre à des « mesures ambitieuses pour promouvoir l’enseignement réciproque des langues ».
L’Allemagne, qu’il s’agisse de son opinion publique ou de ses dirigeants, apparaît toutefois peu disposée à augmenter la coopération stratégique franco-allemande.
Angela Merkel déclarait, au lendemain du sommet du G7, à Taormine (Italie), en mai 2017 : « Nous, les Européens, nous devons vraiment prendre en main notre propre destin. » Mais un renforcement du couple franco-allemand sur le plan stratégique serait mal vu par les partenaires européens, et « Berlin restera très prudent », estime Georges-Henri Soutou.
Par ailleurs, une plus grande intégration européenne en matière de défense bute sur des obstacles de taille, comme le problème du partage de l’arme nucléaire française ou l’envoi de forces allemandes combattantes à l’étranger.