L’archéologie, une magnifique machine à remonter le temps
L’archéologie, une magnifique machine à remonter le temps
Par Pierre Barthélémy
Les grandes cités de l’antiquité ressuscitées, une collection de livres « le Monde », en kiosque chaque semaine.
Longtemps, l’archéologie a été considérée comme une petite sœur voire une simple auxiliaire de l’histoire : pour schématiser, les vestiges sortant du sol n’étaient là que pour confirmer, conforter ce que disaient les traités des Anciens ou les chroniques médiévales. Pour schématiser toujours, l’archéologue, c’était aussi cette figure à la Indiana Jones qui déterrait, à la pelle ou à la brosse à dents, les monuments et les beaux objets de jadis, lesquels faisaient les joies des collectionneurs et des antiquaires.
Fort heureusement, la discipline s’est affranchie de ces deux stéréotypes. Cela s’est fait tout d’abord en explorant des strates du passé plus anciennes, celles de la préhistoire, qui, par définition, ne se confrontaient à aucun texte. Refaire le geste du tailleur de pierre du paléolithique, révéler les pratiques funéraires de nos très lointains ancêtres, reconstituer les ultimes années de Neandertal, raconter la révolution agricole qui s’est produite bien avant l’invention de l’écriture, c’était aussi prouver que l’archéologie était une magnifique machine à remonter le temps.
Boîte à outils
Elle a aussi montré sa capacité à s’intéresser à ce que les textes ne disaient pas, à décrire ce quotidien méconnu de ceux qui n’étaient pas sous les feux de l’histoire, les gens de peu, les gens du peuple, comment ils vivaient, comment ils mouraient. Ce qu’ils mangeaient en fouillant leurs dépotoirs, ce dont ils souffraient en analysant les squelettes des nécropoles, quels étaient les objets de leur quotidien modeste, etc. Pour recomposer ce passé matériel, l’archéologie a puisé dans la boîte à outils des autres sciences : la dendrochronologie ou le carbone 14 pour la datation, la zoologie pour l’étude des restes animaux, l’anthropologie pour celle des ossements humains, mais aussi l’analyse des sédiments, des pollens, des graines calcinées lors des incendies… Les chercheurs sont même capables de réquisitionner des sciences encore plus « dures », comme on l’a vu récemment avec la pyramide de Khéops au sein de laquelle un grand espace vide a été détecté grâce à des méthodes empruntées à la physique des particules…
Ainsi que le souligne la collection de livres sur les grands sites archéologiques que Le Monde vous propose et dont la parution commence ce 23 janvier, la discipline a aussi adopté ces technologies du XXIe siècle que sont la numérisation et la modélisation 3D pour reconstituer les monuments qui nous sont arrivés à l’état de ruines et qui, parfois, se devinent aujourd’hui plus qu’ils ne se voient.
Ou ceux qui ne sont plus visibles du tout, détruits par des guerres, des idéologues ou des fanatiques : les bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, la vieille ville d’Alep, certains monuments de Palmyre… Comme l’écrivait en 2015 Irina Bokova, alors directrice générale de l’Unesco, « l’archéologie est davantage qu’une science indispensable à la compréhension de notre humanité : c’est un acte militant dans la volonté d’opposer la connaissance à la folie destructrice ».