Je vous écris du bus. Car oui, il faut qu’on parle des bus coréens.

Superbus.

A Pyeongchang, l’équation est simple : pas de bus, pas de médias. Pas de bus, pas de spectateurs. Pas de bus, pas d’athlètes. Pas de bus, pas de JO. Et pas de JO, pas de bus. Parce que ce serait vraiment absurde de mettre autant de bus dans cette partie rurale de la Corée du Sud s’il n’y avait pas les JO.

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Durée : 00:33

C’est peut-être dans ces engins que l’on passe le plus de temps depuis le début des Jeux olympiques – chose assez classique aux JO d’hiver. On a fini par en apprivoiser les numéros de ligne, le rythme de rotation, les parkings et les meilleures places. Il y en a 3 984 et ceux résservés aux médias sont toujours à l’heure. Seuls de rares embouteillages monstres – cérémonie d’ouverture, visite du président sud-coréen – les empêchent d’effectuer leur noble tâche.

Mais ce n’est pas tant la ponctualité extraordinaire de ce système de bus qui frappe ici, ni le fait que certains tournent toute la nuit. Ce qui frappe, c’est l’intérieur.

Sobriété.

D’abord parce qu’on y croise des Kazakhs, des Norvégiens (beaucoup), des Sud-Coréens, des Japonais, des Suisses francophones qui parlent mal allemand et des Suisses allemandes qui parlent mal français, et des journalistes olympiques de Russie.

Si le sens des Jeux est l’universalité et le mélange des cultures, alors le sens des Jeux est dans les bus. C’est un paradoxe des JO : l’événement sportif auquel participent le plus grand nombre de pays est celui durant lequel le mélange de nationalités se fait le moins, la faute au chauvinisme exacerbé qui semble bien, lui, partagé par tous – mais c’est un autre sujet. Heureusement donc que les bus sont là pour que l’on se côtoie même si, pour être honnête, les véritables rencontres sont rares.

Ensuite, il y a la déco. Lumières fluo au plafond, style psychédélique et protège-dossiers illustrés compensent des fauteuils cuir aux motifs étonnamment sobres.

Carré VIP.

« Happy Tour ».

« Welcome ».

Il aurait été dommage que l’endroit manque de papier toilette, heureusement, c’est prévu : il pendouille parfois des casiers à bagages.

Passés les premiers sourires, on s’habitue à se déplacer dans une carabine de karaoké montées sur quatre roues, mais on ne serait pas surpris qu’un jour, le chauffeur fasse tourner un micro pour entonner Angels, de Robbie Williams, en diffusant un clip ringard sur le grand écran.

Robbie Williams - Angels Karaoke
Durée : 04:22

Car oui, évidemment, il y a des écrans. Et ils sont toujours allumés, sachant que le chauffeur contrôle évidemment la télécommande : chaîne et volume. Ainsi sera-t-il vain de tenter de travailler ou de poursuivre sa nuit lorsque l’idole sud-coréenne Yun Sung-bin dévale la tête la première la piste de skeleton, les commentateurs locaux faisant passer Patrick Montel pour un modèle de sobriété. Tout aussi vain d’espérer voir un jour des images de biathlon, de ski alpin ou de combiné nordique.

Il peut arriver que l’un des 1 855 chauffeurs embauchés par l’organisation se contrefoutent de ces JO et diffuse une émission de télévision, si possible avec le son, ce qui permet d’entrer dans le cerveau des producteurs des chaînes locales – et ça fait un peu peur. Le soir, les lumières s’éteignent et le son est éteint : il est permis de faire un somme.

Reportage se moquant des difficultés d’adaptation des étrangers à la gastronomie locale.

Les bus étant mieux chauffés que le comté de Pyeongchang, il faut généralement enlever trois couches lorsqu’on y monte et les remettre avant de descendre, sans oublier de saluer les chauffeurs, modèles de politesse. L’occasion de vérifier que rares sont les journalistes qui arrivent à prononcer « bonjour » et « merci » en coréen, deux expressions à la phonétique complexe (« annyeonghaseyo » et « gomabseubnida »).

Evidemment, on n’a jamais vu quiconque refuser de descendre. Ici, c’est Pyeongchang, pas Knysna.

Bus quatre couleurs.