L’ONU veut renforcer les droits environnementaux
L’ONU veut renforcer les droits environnementaux
Par Rémi Barroux
Les Nations unies ont lancé une « Initiative pour les droits environnementaux » et alertent sur l’augmentation des assassinats de militants écologistes.
Un enfant Waiapi dans l’Etat de l’Amapa, dans le nord du Brésil, en octobre 2017. / APU GOMES / AFP
« Ceux qui luttent pour protéger la planète et les peuples peuvent être considérés comme des héros, mais la triste réalité est que beaucoup d’entre eux paient leur engagement d’un prix élevé, certains le payent de leur vie » : ainsi s’est exprimé Erik Solheim, le directeur exécutif de l’ONU-Environnement – nouvelle appellation du Programme des Nations unies pour l’environnement –, lors du lancement d’une « Initiative pour les droits environnementaux », mercredi 6 mars à Genève. « Il est de notre devoir d’être aux côtés de ceux qui sont du bon côté de l’histoire, ce qui signifie défendre le plus fondamental et universel des droits humains », a-t-il souligné.
« Le temps est venu de reconnaître l’interdépendance entre les droits humains et ceux de l’environnement, pas seulement au niveau national mais aussi à celui des Nations unies », a expliqué, à cette occasion, John Knox, le rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement. Assurer la protection des défenseurs de l’environnement et renforcer les capacités des Etats à développer les cadres juridiques adéquats dans leur Constitution : voilà en résumé les recommandations d’ONU-Environnement.
Il s’agit de « rapprocher la protection de l’environnement des populations, en les aidant à mieux comprendre leurs droits et comment les défendre, en travaillant avec les médias pour améliorer la couverture des violations de droits, en appelant le secteur privé à aller au-delà de la culture de la conformité, et en aidant les gouvernements à instaurer des droits visant à protéger l’environnement ».
Quatre militants tués chaque semaine
Le constat est rude : « Près de quatre défenseurs de l’environnement ont été tués dans le monde chaque semaine en 2017, selon des chiffres de l’ONG Global Witness. Environ 40 à 50 % des 197 défenseurs de l’environnement tués en 2017 étaient issus de communautés indigènes ou locales », rapporte l’ONU-Environnement. Les Nations unies ont recensé 908 personnes tuées pour avoir défendu la cause environnementale, dans 35 pays, entre 2002 et 2013.
Dans un rapport publié en juillet 2017, Global Witness a alerté sur l’aggravation des conditions d’activité des mouvements de défense de l’environnement. Le nombre de pays touchés par des assassinats de manifestants luttant contre l’accaparement des terres a ainsi triplé entre 2015 et 2016. Et les meurtres de 200 militants en 2016 (185 en 2015) ont été constatés dans 24 pays, contre 16 un an plus tôt, soit une nette tendance à la propagation des exactions, indique l’ONG. L’Amérique latine reste, selon ses observations, la région la plus touchée avec 60 % de morts violentes.
Pour Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits humains, « les violations des droits environnementaux ont un profond impact sur une large diversité de droits de l’homme, dont le droit à la vie, à l’autodétermination, à l’alimentation, à l’eau, à la santé, à l’habitat, ainsi qu’aux droits culturels, civils et politiques ».
Les militants écologistes agissent aussi dans des conditions de plus en plus difficiles. Ainsi, entre 1993 et 2016, 48 Etats ont adopté des lois restreignant les activités d’ONG locales qui recevaient des financements internationaux et 68 des lois contre l’action des ONG internationales sur leur territoire.
Progression globale des droits environnementaux
Depuis près d’une vingtaine d’années, l’ONU-Environnement étudie l’évolution des droits humains et environnementaux, identifiant les bonnes pratiques et sensibilisant le monde judiciaire, notamment à la constitutionnalisation des droits dans ces deux domaines. Selon les Nations unies, si les conditions d’action des associations se durcissent, si la répression sévit dans de nombreux pays, la tendance globale est néanmoins plutôt favorable – comme si les violences accrues contre les militants qui défendent l’environnement étaient une réponse à un cadre institutionnel et réglementaire plus contraignant vis-à-vis de ceux qui le détruisent.
En effet, depuis les années 1970, les droits environnementaux ont progressé plus rapidement qu’aucun autre droit de l’homme, avance l’agence de l’ONU. « Les tribunaux d’au moins 44 pays ont pris des décisions pour inscrire le droit constitutionnel à un environnement sain. Et les droits environnementaux sont inscrits dans plus de cent constitutions », annonce-t-elle.
L’ONU-Environnement met aussi en avant un accord de la région Amérique latine, signé le 4 mars, à San José, au Costa Rica, qui porte sur l’information du public, sa participation aux processus de décision sur les projets ayant une incidence sur l’environnement, ainsi qu’à un meilleur accès à la justice dans ce domaine. « Cela représente une opportunité pour donner aux droits environnementaux le même statut légal que les droits de l’homme, au niveau global », a fait valoir le directeur du bureau d’Amérique latine et des Caraïbes du Programme des Nations unies pour l’environnement, Leo Heileman.