Donald Trump lors d’une réunion à la maison blanche, jeudi 8 mars 2018. / Evan Vucci / AP

« Ces scènes de jeu vidéo ont été trouvées sur YouTube. Elles contiennent de la violence extrême, du gore intense et des conduites criminelles. Leur contenu n’est pas adapté aux enfants ». C’est l’étonnant avertissement qui a accompagné la publication par la Maison Blanche, jeudi 8 mars, d’une vidéo d’extraits de scènes ultraviolentes.

Elles sont pour la plupart issues de blockbusters, comme les récents Call of Duty, Fallout ou Wolfenstein, tous classés « Mature » (« adulte ») aux Etats-Unis, mais en vente libre. Cette vidéo, particulièrement sanglante, a été diffusée à l’occasion de la rencontre du président américain, entouré de trois membres du Congrès, avec une délégation d’experts du jeu vidéo.

Ceux-ci avaient été convoqués pour discuter du possible lien entre jeux violents et violence chez les jeunes. Parmi les interlocuteurs, des représentants de l’industrie, comme les dirigeaux des principaux éditeurs mondiaux de jeux violents, comme Rockstar Games (GTA) ou Bethesda Softworks (Wolfenstein, Doom), ainsi que le responsable de l’Entertainment System Rating Board (ESRB), organisme en charge de la classification par âge des jeux.

Capture d’écran de la chaîne officielle de la Maison Blanche. / Capture d'écran

« Corrélation entre violence des jeux vidéo et réelle »

Autour de la table, également des chercheurs hostiles à ce loisir, comme Dave Grossman, auteur d’un essai accusateur intitulé Assassination Generation : Video Games, Aggression, and the Psychology of Killing, ou des représentants d’associations familiales conservatrices, comme Melissa Henson, du Parents Television Council.

Au cours de cette rencontre, occultée par l’annonce des restrictions protectionnistes sur les importations d’acier et d’aluminium, « le président a relevé que certaines études indiquent qu’il existe une corrélation entre violence des jeux vidéo et violence réelle », relate un communiqué de la Maison Blanche. « La conversation s’est centrée sur la question de savoir si les jeux vidéo violents, dont ceux qui simulent graphiquement le fait de tuer, désensibilisent notre communauté à la violence. »

Le président américain avait annoncé la couleur dès le 22 février, en suggérant sur CNN un lien entre films et jeux vidéo violents, d’une part, et tueries en milieu scolaire, de l’autre.

Lobby des armes contre lobby des jeux vidéo

Cette réunion s’inscrit toutefois dans un contexte très particulier, alors que la grogne contre la vente d’armes s’était particulièrement intensifiée après la tuerie de Parkland en Floride, qui a fait 17 morts. Plusieurs observateurs voient dans la mise en cause des jeux vidéo par Donald Trump une manière de détourner le sujet de la question du contrôle des armes feu, contre lequel lutte le puissant lobby de la National Riffle Association (NRA), dont le président américain est proche. Celle-ci avait notamment dénoncé jeudi 22 février la « politisation honteuse de la tragédie » de Parkland par les partisans du contrôle des armes à feu.

« Nous avons eu l’opportunité de rencontrer le président et d’autres élus à la Maison Blanche. Nous avons discuté des nombreuses études scientifiques qui montrent qu’il n’y a pas de corrélation entre les jeux vidéo et la violence, du premier amendement qui protège les jeux vidéo et de comment le système de notation de notre industrie aide les parents à faire des choix informés » a déclaré l’Entertainment Software Association (ESA), principal lobby américain pro-jeu vidéo, dans un communiqué.

Pour Olivier Mauco, chercheur en sciences politiques et spécialiste du jeu vidéo interrogé par Le Monde en amont de la rencontre, l’intervention de Trump relève davantage d’un effet d’annonce. « L’industrie du jeu vidéo n’a pas grand chose à craindre de Trump, peut-être. L’industrie des armes à feu non plus, c’est certain », ironisait pour sa part Lévan Sardjevéladzé, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV).

La méfiance de Donald Trump pour les jeux de tir n’est pourtant pas nouvelle. Le 18 décembre 2012, Donald Trump twittait : « La violence et la glorification dans les jeux vidéo doivent être arrêtés - cela crée des monstres ! »

Comme l’ont fait remarqué plusieurs internautes, la publication de la vidéo de la Maison Blanche contrevient à plusieurs règles de la plateforme d’hébergement de Google : outre qu’elle ne demande pas au spectateur de renseigner son âge, elle viole les droits d’auteur aussi bien des éditeurs des jeux vidéo montrés que des youtubeurs dont elle reprend des extraits de partie.