Ernest Cline, un fan de Spielberg adapté par son idole
Ernest Cline, un fan de Spielberg adapté par son idole
M le magazine du Monde
Avec « Ready Player One », qui sort sur les écrans français le 28 mars, l’auteur américain voit son premier roman mis en scène par le réalisateur de ses rêves.
Steven Spielberg signe un autographe pour Ernest Cline, à Los Angeles, le 16 mars 2018. / ERIC CHARBONNEAU/SHUTTE/SIPA
A l’origine, il avait imaginé son premier roman comme une conversation entre amis. La discussion aurait porté sur la culture des années 1980 : La Guerre des étoiles, Alien, Indiana Jones, Retour vers le futur, l’avènement des premiers jeux vidéo, Space Invaders en tête. Soit, aux yeux d’Ernest Cline, l’âge d’or de la « culture geek », ce moment magique, selon lui, juste avant l’apparition d’Internet, devenu l’alpha et l’oméga de son existence.
Après neuf ans de travail, Ready Player One paraissait en 2011 aux Etats-Unis, et atterrissait en tête des meilleures ventes. Traduit depuis dans plus d’une vingtaine de langues – il a été publié en France en 2013 par Michel Lafon –, il a surtout fait l’objet d’une féroce surenchère entre plusieurs studios de cinéma pour l’obtention des droits.
Une chasse au trésor
Le 28 mars, Ready Player One sort sur les écrans français, adapté par Steven Spielberg, d’après un scénario de l’auteur et d’un de ses partenaires de PlayStation, Zak Penn. Un aboutissement inespéré pour Ernest Cline, qui voit son premier roman mis en scène par le réalisateur idéal à ses yeux. Celui dont les films des années 1980 – Les Aventuriers de l’Arche perdue, Indiana Jones et le Temple maudit, E.T. – atteignent à ses yeux une forme de perfection.
Ready Player One - Bande-Annonce Officielle (VOST) - Steven Spielberg
Durée : 02:19
Lorsqu’il s’est lancé dans ce projet au début du millénaire, l’informaticien avait d’abord à se prouver à lui-même qu’il était à même de relever le défi. Ernest Cline imaginait alors une histoire de chasse au trésor dans un univers virtuel dont l’issue dépendrait de la maîtrise par les candidats de la culture des années 1980.
« J’ai grandi dans une petite ville de l’Ohio. J’avais 7 ans en 1980 et ma vie a débuté avec cette décennie. Pour se clore avec elle d’une certaine manière. Tout mène et se ramène à cette période », explique-t-il par téléphone. La vie d’Ernest Cline, qui avait entre-temps déménagé à Austin, au Texas, était alors réglée comme une horloge : le matin, programmation sur son ordinateur ; en fin d’après-midi, jeux en ligne ; le soir, écriture.
Après le succès immédiat de Ready Player One, l’écrivain se souvient avoir pensé à une seule chose : une DeLorean, la voiture de sport aux formes uniques conduite par Michael J. Fox dans Retour vers le futur. Il pouvait s’offrir le véhicule emblématique du cinéma des années 1980, effectuer la promotion de son livre à bord de cet engin et devenir la créature d’un de ses films préférés. Parvenu depuis au rang de star de la science-fiction aux Etats-Unis, il roule bien entendu toujours à bord de son bolide, signe de sa réussite et de son appartenance à une époque.
Ernest Cline et Ben Mendelsohn, acteur dans « Ready Player One », assis sur la DeLorean du romancier, à Austin (Texas), le 11 mars 2018. / JACK PLUNKETT/INVISION/AP
Avec le recul, Ernest Cline reste frappé par la noirceur de son premier roman, qui reflétait son angoisse de l’époque. Dans un futur proche, en 2044, notre planète est à bout de souffle : crise énergétique, dérèglement climatique, famine, pauvreté, guerre. L’unique échappatoire à ce cauchemar devenu réalité est l’OASIS, un système de réalité virtuelle où se connecte chaque habitant sur Terre.
Ernest Cline avait imaginé son histoire juste après le 11-Septembre. « A cela s’ajoutaient la prolifération nucléaire, la crise énergétique avec la fin du pétrole. Il était alors facile d’imaginer que nous allions vers le pire. Aujourd’hui, ce n’est guère différent », analyse-t-il.
Un avatar pour deux existences
Quand Ready Player One est apparu en librairie, Ernest Cline regardait Internet, par sa capacité à mettre en réseau ses utilisateurs, comme l’une des inventions les plus heureuses de l’histoire de l’humanité. L’idée de prendre un avatar – un principe au centre de l’œuvre – séduisait particulièrement le romancier, qui y voyait le moyen de mener deux existences séparées, lui qui assure avoir une vie devant un ordinateur quand il écrit et une autre, sous pseudonyme, dans les jeux en ligne.
Un rêve qu’il estime désormais impossible, à l’heure de Facebook. « C’est frappant. Si Internet était conçu à l’origine comme un moyen de communication, les gens l’utilisent de plus en plus pour s’isoler – en atteste leur usage du smartphone – et ne plus interagir. Il y aura des conséquences politiques. Je crains qu’on ne se mette à protester que sur le Net, et plus dans le vrai monde. » Pour raconter cette histoire, Ernest Cline a déjà un titre : Ready Player Two.