Parcoursup : le Sénat exige des décisions d’orientation plus transparentes
Parcoursup : le Sénat exige des décisions d’orientation plus transparentes
Par Soazig Le Nevé
Le Sénat a supprimé le « secret des délibérations » qui permet aux établissements d’enseignement supérieur d’user d’algorithmes locaux pour sélectionner leurs futurs étudiants, sans leur en rendre compte de façon systématique.
Les sénateurs ont supprimé le « secret des délibérations » que permet la loi instaurant Parcoursup. / © Barande Jérémy -Flickr (CC BY-SA 2.0)
La question du manque de transparence, qui avait eu raison de la plate-forme Admission post bac (APB), ressurgit pour Parcoursup, qui lui a succédé. A l’occasion des débats sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles, adopté le 21 mars, les sénateurs ont mené à ce sujet un véritable bras de fer, par amendements interposés, avec le gouvernement.
La centriste Sophie Joissains, rapporteuse du projet de loi, a fait voter, le 12 mars en commission, un amendement supprimant « le secret des délibérations » tel que défini dans la loi « pour l’orientation et la réussite des étudiants » (ORE), promulguée quelques jours plus tôt.
Grâce à ce principe, la loi ORE donne la possibilité aux établissements d’enseignement supérieur de ne pas dévoiler les algorithmes locaux mis au point pour assurer la cohérence entre le profil du candidat et les attendus de la formation demandée. Les universités ont en outre la liberté de limiter aux seuls candidats qui le demandent l’accès aux critères, aux modalités d’examen et aux motifs pédagogiques qui justifient leur admission ou leur refus d’admission.
Une exception à la loi « pour une République numérique »
Dans ces conditions, Parcoursup fait exception à la loi « pour une République numérique » d’octobre 2016, qui impose deux obligations aux administrations recourant à des algorithmes dans le dessein d’aboutir à des décisions individuelles : intégrer systématiquement une « mention explicite » pour informer tous les usagers de l’existence et des modalités d’exercice de leur droit à connaître le détail des « règles » et « principales caractéristiques de mise en œuvre » du programme informatique utilisé ; et mettre en ligne et en libre accès – à compter du 7 octobre 2018 – les règles définissant « les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions ».
Face à ces obligations, le gouvernement avait fait passer in extremis un amendement pour défendre l’exception du « secret des délibérations » au moment du vote de la loi ORE au Sénat, le 7 février. La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, y défendait le fait de « concilier la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques qui seront chargées d’examiner les candidatures présentées » et de « répondre malgré tout aux légitimes aspirations à la transparence des candidats à une inscription dans une formation de premier cycle de l’enseignement supérieur ».
Un argumentaire qui n’avait pas convaincu et ne convainc toujours pas la sénatrice Sophie Joissains, pour qui « cette exception n’a pas lieu d’être ». « Seuls les algorithmes parfaitement anodins utilisés pour le fonctionnement de la plate-forme en ligne seront communiqués, sur demande, avec leur cahier des charges, analyse-t-elle dans son rapport relatif au projet de loi sur la protection des données personnelles. En revanche, si des décisions d’acceptation ou de refus de candidats sont prises par les établissements sur le fondement de traitements automatisés, ces établissements ne seront ni dans l’obligation de faire figurer une mention explicite en ce sens sur le texte de la décision et de communiquer à l’intéressé, à sa demande, les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre, ni contraints de publier en ligne ces règles définissant les traitements, s’ils emploient plus de cinquante agents. »
En guise de réponse, le secrétaire d’Etat au numérique, Mounir Mahjoubi, souligne que les universités prendront leurs décisions « à partir des recommandations de l’algorithme et d’un jury souverain ». « La règle absolue, c’est la souveraineté des décisions de jury. Parcoursup ce n’est pas que des algorithmes, ce sont aussi des humains, qui vont prendre des décisions », a-t-il argumenté dans un entretien sur la chaîne Public Sénat. En vain, puisque les sénateurs ont rejeté l’amendement du gouvernement destiné à annuler celui pris par la commission des lois.
Pour adopter le projet de loi relatif à la protection des données personnelles – dit RGPD –, une commission mixte paritaire doit encore se réunir. S’il y a accord entre députés et sénateurs, le texte sera soumis au vote définitif de chaque chambre. En cas de désaccord, une nouvelle lecture du texte se tiendra dans chaque chambre, et l’Assemblée nationale aura le dernier mot… Compte tenu de la majorité qu’y détient le groupe La République en marche, le « secret des délibérations » a de grandes chances de réapparaître.