Poulets Doux : l’ukrainien MHP se prépare à un échec
Poulets Doux : l’ukrainien MHP se prépare à un échec
LE MONDE ECONOMIE
Le tribunal de Rennes doit valider mercredi 4 avril la liquidation du volailler. Le français LDC associé au saoudien Al Mujanem a toutes les chances d’être ensuite choisi comme repreneur.
Une liquidation judiciaire, suivie d’une reprise rapide de l’essentiel des actifs par un consortium franco-saoudien. Tel est le scénario qui se dessine de plus en plus clairement pour Doux, l’un des grands producteurs français de poulets, qui emploie plus de 1 200 salariés et fait vivre plusieurs centaines d’éleveurs en Bretagne et Pays de la Loire.
Ce mardi 3 avril, la direction de la coopérative française Terrena, l’actionnaire majoritaire de Doux, a déposé une demande de liquidation de sa filiale spécialisée dans la volaille, dont elle ne veut plus supporter les pertes. Une demande appuyée par le mandataire ad hoc, Me Frédéric Abitbol. Le dossier devait ensuite être examiné lors d’une audience prévue à 18 heures au tribunal de commerce de Rennes, pour une décision rendue mercredi matin.
Dans ce dossier préparé avec les pouvoirs publics, il y a toutes chances que les juges suivent les recommandations du mandataire, et placent Doux en liquidation immédiate, tout en autorisant l’entreprise à poursuivre son activité un certain nombre de semaines. Le tribunal devrait également fixer une date rapprochée pour examiner les différentes offres, et trancher en faveur d’une d’entre elles.
Le suspense paraît limité
Laquelle ? Le suspense paraît limité. Une solution a, en effet, le soutien de l’actionnaire Terrena, des régions Bretagne et Pays de la Loire, et d’une grande partie du personnel : celle présentée conjointement par le saoudien Al Munajem et le groupe français LDC, connu pour ses marques Fermiers de Loué, Le Gaulois, Marie et Maître Coq. Seuls les membres de ce consortium ont présenté leurs plans lors du comité d’entreprise tenu ce mardi à Châteaulin (Finistère).
Ensemble, Al Munajem, LDC et leurs associés proposent de reprendre ou reclasser l’essentiel du personnel. Au total, 920 emplois sur 1 187 seraient repris dans ce scénario. Par ailleurs, 418 propositions de reclassement dans d’autres sites seraient présentées aux salariés non repris.
La seule autre offre a été déposée par MHP, un volailler ukrainien qui produit du blé. Or celui-ci ne reprendrait dans l’immédiat que 285 postes. Les trois quarts du personnel se retrouveraient donc au chômage. MHP évoque certes la construction d’ici à deux ans d’une nouvelle usine ultramoderne à Châteaulin, pour remplacer les installations actuelles. Cela permettrait de réembaucher alors 430 personnes supplémentaires. Mais « si on regarde le court terme et l’emploi, c’est vrai, notre offre est moins attractive », reconnaît John Rich, le président de MHP, dans un entretien au Monde.
Pour ce professionnel australien du poulet, « à long terme, l’offre de MHP reste la plus forte, en termes d’engagement, d’emplois, et de relance de la filière ». Toutefois, le groupe ukrainien se prépare clairement à un échec.
MHP ne garderait que Quimper, Plouray et Châteaulin
« J’espère que les juges tiendront compte du long terme, mais si par malchance nous devions être écartés, nous continuerons à nous intéresser à la France et à l’Europe de l’Ouest, promet John Rich. Nous avons eu de très bons contacts avec les agriculteurs bretons et avec les pouvoirs publics, et nous y étudierons d’autres acquisitions. C’est la vie ! »
Contacté par Terrena fin 2017, MHP a étudié de près le dossier d’une éventuelle reprise de Doux. Pour ses dirigeants, l’opération aurait présenté plusieurs intérêts. Elle aurait permis au groupe ukrainien, coté en Bourse à Londres, de diversifier ses sources d’approvisionnement, et de s’implanter solidement sur le marché européen, au-delà de premiers investissements aux Pays-Bas et en Slovaquie. Mais très vite, les dirigeants de MHP ont jugé avec leurs experts qu’il n’était pas possible de reprendre la totalité de Doux. Pas question, en particulier, de garder l’activité d’exportation dans les pays arabes de petits poulets congelés, qui réalisait une grande part du chiffre d’affaires. « Ce modèle économique ne tient pas », estime John Rich.
C’est pourquoi MHP propose de ne garder que les sites de Quimper (Finistère) et Plouray (Morbihan) et le siège de Châteaulin, et de reconstruire entièrement l’usine de Châteaulin pour la rendre compétitive. « Nous avons une grande expertise dans la construction d’usines, et avec cet investissement, nous pouvons ainsi changer le modèle économique de Doux », plaide le président du groupe ukrainien. Sans avoir beaucoup d’illusions sur ses chances de succès auprès du tribunal.