Maxime Bossis : « A Nantes, Henri Michel était le patron, le seigneur »
Maxime Bossis : « A Nantes, Henri Michel était le patron, le seigneur »
Propos recueillis par Corentin Lesueur
Henri Michel, décédé mardi 24 avril, a été le dépositaire du « jeu à la nantaise ». Avec et après lui, Maxime Bossis incarnait le FC Nantes triomphant des années 1970.
Henri Michel est décédé le 24 avril 2018, à 70 ans. / ABDELHAK SENNA / AFP
Quand Maxime Bossis est arrivé au Football Club de Nantes, en 1973, Henri Michel était déjà le chef d’orchestre des Canaris. Une période de dix années de succès s’ouvrait, marquée par le célèbre « jeu à la nantaise » et ponctué de quatre titres de champion de France (1973, 1977, 1980 et 1983). L’ancien international français (76 sélections) revient sur sa cohabitation avec celui qui le dirigera plus tard depuis le banc de l’équipe de France (1984-1988).
Quel joueur était Henri Michel ?
C’était un surdoué, la quintessence du joueur : une élégance rare, des qualités techniques bien au-dessus de la moyenne, un port altier, une vision de ses coéquipiers et des adversaires qui lui permettait de voir le jeu plus vite que les autres. Il représentait vraiment ce que je voulais devenir, même si je ne jouais pas à son poste.
Je l’ai croisé à 15 ans, lors d’un stage de détection à La Baule (Loire-Atlantique). Tous les plus grands étaient là, dont Henri Michel. C’était mon idole, le meilleur joueur français de sa génération.
Le « jeu à la nantaise », qui a porté le club au sommet du football français dans les années 1970, aurait-il existé sans Henri Michel ?
L’équipe a été sacrée championne de France en 1965 et 1966, quand Henri n’était pas encore titulaire. Le « jeu à la nantaise » aurait donc existé sans lui. Mais il en a été le joueur le plus emblématique, celui qui savait faire jouer ses coéquipiers, fédérer.
C’était vraiment le patron, le seigneur, à Nantes. Son aura dépassait le simple cadre du football. C’était une personnalité connue, respectée non seulement au club et avec les supporters, mais dans toute la ville.
Son influence dans le jeu était-elle comparable à celle d’un Platini, ou Zidane plus tard ?
Comme avec tous les grands joueurs, on avait tendance à vouloir lui donner le ballon, parfois trop. Mais Henri ne tirait pas la couverture à lui : il n’essayait pas de se la jouer star, c’en était déjà une. Il voulait juste mettre ses qualités au service de l’équipe. C’était d’autant plus agréable de lui donner le ballon qu’on savait qu’il en ferait bon usage.
Il est pourtant rarement cité parmi les meilleurs joueurs français…
C’est une injustice, mais ça tient à peu de chose. Henri s’est retrouvé au milieu d’une génération d’internationaux certes talentueux, mais qui n’ont pas eu de résultats. En dehors des Nantais, les gens retiennent surtout les matchs phares, les grandes compétitions. Il s’est retrouvé entre la génération de Kopa et celle de Platini, il n’a pas eu l’aura qu’il méritait.
Sous le survêtement du FC Nantes, en 1973. / - / AFP
Lui-même reconnaissait qu’il ne parvenait pas à développer le même jeu en équipe de France qu’à Nantes…
C’était le revers de la médaille du FC Nantes. Le cocon était tellement agréable, chacun jouait pour son partenaire : sortis de ce cadre, beaucoup ont été perdus. Henri avait la stature pour s’adapter, mais il n’a sans doute pas retrouvé en équipe de France des joueurs avec le même altruisme, cette envie de partager.
Etait-il destiné à devenir entraîneur ?
Il avait de grandes qualités tactiques. Henri savait jauger et juger ses partenaires, les forces et faiblesses des adversaires. En plus, il avait la passion. Avant et après les matchs, il parlait foot, foot et foot. Ça n’a donc pas été étonnant de leur voir passer entraîneur et être sacré champion olympique [en 1984].
Après l’équipe de France (1984-1988) et une pige au PSG (1990-1991), Henri Michel est parti à l’étranger. Regrettait-il de ne pas retrouver un banc dans son pays ?
Il n’a pas toujours eu des demandes intéressantes et à sa mesure dans le football français. Mais l’exil n’a pas été compliqué pour lui. Henri a toujours été un grand voyageur, il pouvait partir au bout du monde. Il a tout de même longtemps été amer après son éviction de l’équipe de France.
Aurait-il pu assurer l’héritage du « jeu à la nantaise » en tant qu’entraîneur ?
Raynald Denoueix (1997-2001) était le successeur désigné de Jean-Claude Suaudeau (1991-1997), mais Henri aurait très bien pu contribuer à prolonger le « jeu à la nantaise » puisqu’il en a été le premier instigateur comme joueur. Il était la personne idoine pour entraîner Nantes. Il aurait vraiment voulu entraîner cette équipe. Mais nul n’est prophète en son pays.