Une Française en grève de la faim pour obtenir un droit de visite au Maroc
Une Française en grève de la faim pour obtenir un droit de visite au Maroc
Par Charlotte Bozonnet
Claude Mangin-Asfari demande à pouvoir voir son mari, Naâma Asfari, militant de la cause sahraouie, incarcéré à Kenitra.
La prison de Kenitra, au Maroc, en 2008. / ABDELHAK SENNA / AFP
Elle est amaigrie mais prend la parole avec aplomb. Claude Mangin-Asfari, citoyenne française mariée à un prisonnier sahraoui, a entamé une grève de la faim illimitée le 18 avril afin d’obtenir le droit de rendre visite à son époux, incarcéré à Kenitra, au Maroc. Au vingtième jour de son jeûne, elle a donné une conférence de presse, lundi 7 mai, à la mairie d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) dont le maire communiste, Philippe Bouyssou, soutient son combat.
L’édile, qui se dit « préoccupé » par la santé de Mme Mangin, appelle les autorités françaises à intervenir : « nous souhaitons que des signes concrets et clairs soient rapidement donnés » pour faire respecter « ce droit légitime d’aller rendre visite à son époux ».
Claude Mangin-Asfari, professeure d’histoire-géographie de 62 ans, a décidé de cesser de s’alimenter après que plusieurs visites lui ont été refusées. Le 20 octobre 2016, le 6 février 2017 et le 13 mars 2017, elle a été expulsée du territoire marocain. Le 17 avril 2018, à l’aéroport d’Orly, elle annonce le début de son action : « Depuis octobre 2016, je suis interdite de séjour au Maroc. J’ai été refoulée une quatrième fois hier, ici même. Dans ces circonstances, je déclare que je me mets en grève de la faim illimitée à compter de demain. »
Trente ans de prison
Si le dossier est aussi problématique, c’est que Naâma Asfari est un militant connu de la cause sahraouie. Il lutte pour le droit à l’autodétermination du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole revendiquée par le Maroc qui contrôle 80 % de son territoire face aux indépendantistes du Front Polisario.
En 2013, il a été condamné à trente ans de prison dans le cadre de l’affaire du démantèlement violent du camp de Gdeim Izik. Le 10 novembre 2010, l’intervention déclenchée par les autorités marocaines pour évacuer ce camp de protestation sahraoui s’était soldée par la mort de treize personnes : onze membres des forces de l’ordre et deux civils. Naâma Asfari et vingt-quatre autres militants ont été condamnés à de lourdes peines, un verdict confirmé lors d’un nouveau procès en 2017.
Les proches des prisonniers et plusieurs associations de défense des droits humains ont de leur côté dénoncé des procès politiques et « de graves irrégularités » dans la procédure. Pour Claude Mangin-Asfari, elle aussi militante de la cause sahraouie, ce refus de visite relèverait de « représailles » pour ses actions en faveur de la libération de son mari. Elle explique ainsi avoir pu le voir régulièrement jusqu’en octobre 2016, période à laquelle la plainte pour torture qu’elle avait déposée devant le Comité des Nations unies contre la torture, à Genève, était examinée.
Ses soutiens rappellent que sa demande actuelle ne concerne pas le conflit au Sahara mais « un droit fondamental », celui de rendre visite à son mari, prisonnier. Le 25 avril, le maire d’Ivry a cosigné avec l’évêque de Créteil, Michel Santier, un courrier adressé à Emmanuel Macron, l’appelant à intervenir auprès des autorités marocaines. Un appel au président français a également été signé par des personnalités françaises et étrangères, dont l’acteur espagnol Javier Bardem, défenseur de la cause sahraouie. Soutien de Mme Mangin et présidente de l’Association des amis de la République arabe sahraouie démocratique (AARASD), Régine Villemont a annoncé ce 7 mai avoir reçu « un courrier encourageant » de la part des autorités françaises.