Depuis plus d’une vingtaine d’années, un diagnostic de performance énergétique (DPE) doit être présenté lors de la vente ou location des logements. / Pascal Bouclier / Photononstop

Et si on faisait comme pour les voitures ? L’idée d’un bonus-malus pour les habitations en fonction de leurs dépenses énergétiques fait son chemin. Il est vrai qu’elle présente l’avantage de la simplicité. Un logement qui est bien isolé aurait un bonus et celui qui est énergivore un malus. Le but : obliger les propriétaires à réaliser des travaux d’isolation.

Depuis plus d’une vingtaine d’années, un diagnostic de performance énergétique (DPE) doit être présenté lors de la vente ou location des logements. Une information qui est supposée pénaliser les biens gourmands en énergie. Pourtant, en France, le bâtiment continue d’être responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre et de 45 % de la consommation d’énergie finale.

Depuis plusieurs années, les différents gouvernements se sont fixés comme objectif de rénover 500 000 logements par an d’ici à 2050. La loi de transition énergétique de 2015 avait même imposé la rénovation de tous les logements classés F et G dans leur DPE d’ici à 2025. Pour l’instant, on atteint péniblement 300 000 logements rénovés par an selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Travaux d’isolation

Pourtant, les incitations ne manquent pas entre le crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite), les certificats d’économie d’énergie (CEE) ou encore la possibilité d’emprunter à taux zéro (EcoPTZ).

Le Cite permet d’obtenir un crédit d’impôt compris entre 15 % et 30 % du montant de la dépense dans la limite de 8 000 euros pour une personne seule et 16 000 euros pour un couple. A partir de 2019, le Cite devrait être transformé en une prime qui serait perçue plus rapidement qu’un crédit d’impôt. Les CEE permettent aux particuliers qui réalisent des travaux d’isolation de vendre leurs économies d’énergie aux grands fournisseurs d’énergie afin que ces derniers atteignent leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Le 1er janvier 2018, le dispositif a été reconduit pour trois ans. Quant à l’éco PTZ, il permet d’obtenir un prêt à taux zéro auprès de sa banque à condition de réaliser plusieurs travaux d’isolation dans une même maison ou un même immeuble. Ce dispositif devrait être reconduit dans les années à venir.

Lors de la présentation de son plan de rénovation énergétique du bâtiment le 26 avril dernier, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a relancé l’idée du bonus/malus et a annoncé qu’une décision serait prise d’ici l’été.

« Il serait, par exemple, possible d’augmenter la taxe foncière ou encore de prélever une somme lors de la vente du bien », propose James Cleaver, membre des « Jeunes écologistes » qui sont favorables à cette mesure. La somme ainsi prélevée pourrait par exemple abonder un fonds permettant de réaliser des travaux de rénovation énergétique.

Coût de la rénovation

Mais cette idée inquiète fortement tous les professionnels du bâtiment et de l’immobilier. La Fédération française du bâtiment (FFB) estime que cette mesure pénaliserait les territoires en difficulté où le coût de la rénovation équivaut à une part importante du prix d’un logement.

Dans nombre de bâtiments, cette mesure n’est pas applicable : les monuments historiques, les maisons anciennes ne peuvent pas toujours être isolés. Doivent-ils pour autant recevoir un malus écologique ? « Non, car les outils actuels de calcul de performance énergétique ne sont pas fiables pour ce type de bâti », prévient Danièle Neill, présidente de Maisons paysannes de France. L’isolation est même dangereuse pour ces maisons car les matériaux isolants actuels sont rarement compatibles avec les spécificités du bâti ancien et créent des désordres comme le développement des moisissures.

Double peine

Autre problème : les copropriétés. « Ce système s’appliquerait mal au fonctionnement des copropriétés où le copropriétaire doit se plier à la majorité de l’assemblée générale. Il serait injuste que son logement supporte un malus si les autres copropriétaires s’opposent à la réalisation de travaux d’isolation », estime Henri Deligné, délégué général de Plurience qui rassemble les grandes entreprises de gestion et de transaction immobilière.

De plus, le malus serait assimilé à une double peine pour les copropriétaires qui doivent déjà cotiser à un fonds travaux obligatoire équivalent à 5 % du budget annuel sauf pour les immeubles très récents ou de moins de dix lots qui refusent le fonds travaux à l’unanimité.

Un bonus/malus serait donc un principe souffrant de nombreuses exceptions avec le risque que cela devienne trop complexe et perde de son efficacité. Pour la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) comme pour l’Union nationale de la propriété immobilière (Unpi), il serait préférable de renforcer le côté incitatif. « Gardons l’idée du bonus qui permettrait de pousser positivement la rénovation énergétique sans pénaliser les ménages qui n’ont pas la possibilité de lancer des travaux », concluent la Fnaim et l’Unpi. L’éternelle histoire de la carotte et du bâton.