C’est une « révolution » selon le gouvernement. L’Assemblée nationale a voté par 70 voix contre 1 avec 17 abstentions, dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 mai, le premier article du projet de loi agriculture et alimentation. Pour rééquilibrer les relations entre producteurs, industriels et distributeurs, cet article entend notamment renforcer la place et le rôle des agriculteurs dans la négociation du prix de leurs produits.

L’article, voté avec les voix de La République en marche (LRM) et du MoDem, ainsi qu’une partie des Républicains (LR, dont 13 pour et 9 abstentions) avait fait l’objet à lui seul de plus de 300 amendements (sur environ 2 300 sur l’ensemble du texte).

Des désaccords sur les indicateurs de prix

Il vise entre autres à ce que les coûts de production deviennent la base de la construction du prix, avec des indicateurs de prix qui « seront fixés à partir des coûts de production, dans un bassin de production, par l’ensemble des acteurs de la filière, de l’amont à l’aval », selon les termes du ministre de l’agriculture, Stéphane Travert.

Lors des discussions, des députés de droite comme de gauche sont montés au créneau pour « muscler » un texte trop « flou », plaidant notamment pour « des indicateurs de prix incontestables » et « fiables ». Plusieurs ont ainsi réclamé en vain que les indicateurs soient fixés en fonction des indications de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM). Mais le ministre et des élus de la majorité ont insisté sur leur volonté de « responsabiliser les filières » et de ne pas « administrer » le secteur.

Contre l’avis du gouvernement, des amendements, portés notamment par le LRM Grégory Besson-Moreau (Aube) et des LR, ont été adoptés pour prévoir qu’« à défaut d’indicateurs » fournis par les interprofessions, l’OFPM et FranceAgriMer devront en proposer.

Des députés, dont des LR ou communistes, ont aussi cherché à introduire davantage de transparence dans la fixation des prix, André Chassaigne (Parti communiste français, PCF, Puy-De-Dôme) reprochant notamment à la majorité de « considérer que la solution à tout, c’est le renard libre dans le poulailler libre ».

Les producteurs, « des moutons sans défense »

Certains, à l’instar de François Ruffin (La France insoumise, LFI, Somme) ont aussi vainement plaidé pour la mise en place de « prix planchers », notant que l’idée que les agriculteurs se rassemblent au sein d’organisations de producteurs (OP) pour « constituer un rapport de force », est « une perspective relativement illusoire ». Le rapporteur Jean-Baptiste Moreau (LRM, Creuse) a rétorqué que « les prix planchers deviennent vite des prix plafonds », argument également mis en avant par le ministre.

Des députés de divers bords, notamment LR, ont également fait adopter un amendement pour empêcher à un acheteur de passer outre la conclusion d’un accord-cadre avec une Organisation de producteurs (OP), malgré l’avis défavorable du gouvernement pour qui il ne faut pas « lier les mains » des producteurs. « Face aux acheteurs qui sont des loups, les producteurs sont des moutons sans défense », a affirmé le communiste Sébastien Jumel (Seine-Maritime), qui défendait un amendement en ce sens.

Les députés ont aussi adopté, avec l’aval du gouvernement, un amendement MoDem visant à revoir la durée des contrats qui avait été fixée à trois ans via un amendement en commission, afin de permettre qu’ils soient plus longs ou plus courts.

« Nous continuons l’#AgriMarathon pour renverser le rapport de force et redonner de la valeur au travail des agriculteurs ! » a tweeté à l’issue du vote le rapporteur, alors que quelque 1980 amendements restaient à examiner.