Après l’histoire de Mamoudou Gassama, un sans-papiers de 25 ans menacé d’expulsion questionne « la hiérarchie des actes de bravoure »
Après l’histoire de Mamoudou Gassama, un sans-papiers de 25 ans menacé d’expulsion questionne « la hiérarchie des actes de bravoure »
Le 10 avril 2015 à Fosses (Val-d’Oise), Aymen, Tunisien arrivé en France en 2013, a sauvé deux enfants enfermés dans la chambre d’un appartement en proie aux flammes.
Mamoudou Gassama, un héros malien pour combien de sans-papiers ?
Durée : 02:51
Parfois – souvent, même – l’actualité semble bégayer. Il y a comme de l’écho, mais la petite musique est un peu différente. Et le décalage souligne plus âprement encore le cynisme d’une société.
D’un côté, il y a la lumière. La machine médiatique qui s’emballe à l’idée d’avoir trouvé un héros. Parce que c’était un jour de morne actualité, parce que des témoins étaient là pour filmer, Mamoudou Gassama, en sauvant spectaculairement un enfant de 4 ans suspendu dans le vide, s’est fait remarquer jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Reçu par Emmanuel Macron à l’Elysée, lundi 28 mai, le jeune migrant malien de 22 ans, va accéder à la naturalisation française et intégrer le service civique des sapeurs-pompiers de Paris.
De l’autre, il y a celui resté dans l’ombre. L’histoire d’Aymen, sans-papiers de 25 ans arrivé en France en 2013, racontée dimanche 3 juin par Le Parisien. Le 10 avril 2015 à Fosses (Val-d’Oise), ce Tunisien a sauvé, en compagnie de deux amis, deux enfants enfermés dans la chambre d’un appartement en proie aux flammes. C’est la mère des deux garçons, âgés de dix-neuf mois et cinq ans, qui avaient appelé à l’aide.
« Quelle malchance de ne pas avoir été filmé »
« Nous sommes montés tout de suite pour chercher les enfants. Nous les avons trouvés tout de suite, dans la chambre. Ils étaient restés ensemble », témoigne Aymen au quotidien. Les trois sauveurs repartent aussitôt, et ne referont surface qu’après un appel à témoins lancé par la mère pour les retrouver. Trois semaines après leur acte, le maire de Fosses leur remet une médaille de la ville pour « acte de bravoure ».
Mais deux ans plus tard, le jeune homme, diplômé d’informatique, est sous le coup d’un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Une décision prise et confirmée par le préfet du Val-d’Oise, malgré la demande du maire de Fosses d’obtenir une dérogation auprès des services de l’Etat, rappelant le geste héroïque d’Aymen.
Comment ne pas établir de liens entre ces destins ? Ne pas voir l’ironie d’une société qui choisit une poignée de héros pour mieux rejeter la masse des autres ? L’avocate d’Aymen, Philippine Parastatis, demande l’annulation de la décision du préfet. « Je lance un appel au président de la République afin d’être reçue et pour qu’il m’explique comment hiérarchiser les actes de bravoure », ajoute-t-elle dans les colonnes du Parisien.
« Faut-il considérer que sauver un bébé en escaladant un immeuble est plus héroïque que braver les flammes pour sauver deux enfants ? Quelle malchance de ne pas avoir été filmé. »