Gilles Bertin (à gauche) accompagné de son avocat Christian Etelin (à droite) à Toulouse, le 6 juin 2018. / REMY GABALDA / AFP

Trente ans après le braquage d’un dépôt d’argent de l’entreprise américaine Brink’s à Toulouse, la cour d’assises de Haute-Garonne a condamné l’un de ses auteurs, Gilles Bertin, à cinq ans de prison avec sursis.

Le verdict, après moins de deux heures de délibérations, a été accueilli par des applaudissements. Gilles Bertin, venu avec un petit sac et ses affaires pour la prison au cas où, a esquissé un sourire.

Grand et maigre, chemise grise sur jean, cheveux châtain clair et frisés, l’ex-punk, aveugle d’un œil, s’était rendu le 17 novembre 2016. Il a expliqué qu’il ne voulait plus mentir sur son histoire et son passé à son fils, né en 2011, et souhaitait aussi retrouver sa vie, sa sœur, un premier enfant, un garçon de 31 ans, perdu de vue depuis sa fuite.

« Il fallait que je paie ma dette »

Arrivé libre à l’audience, l’ancien chanteur du groupe Camera Silens, concurrent à l’époque sur la scène bordelaise du Noir Désir de Bertrand Cantat, a, tout au long des débats, montré qu’il ne fuyait pas ses responsabilités. « Il fallait que je paie ma dette, je n’avais plus le choix », a-t-il souligné. Gilles Bertin a ainsi reconnu être un des maîtres d’œuvre du braquage, précisant avoir été contacté par Didier Bachère, aujourd’hui mort.

L’avocat général avait demandé « cinq ans d’emprisonnement » lors de son réquisitoire. « Je m’étonne de voir que la gravité des faits reprochés doive s’effacer devant le temps ou la rédemption de l’accusé », avait fait valoir Bernard Lavigne, qui avait toutefois reconnu « le bon comportement » de l’accusé qui aurait aussi pu attendre 2024 et la prescription de sa peine à dix ans ferme prononcée en 2004 pour revenir.

L’enquêtrice de personnalité Valérie Merotto a mis en exergue, presque de façon lyrique, l’évolution favorable de la personnalité de Bertin. « La naissance de son fils lui a permis de se projeter dans le futur. Elle lui a donné envie de retrouver une vie sociale et de retrouver son identité », a-t-elle assuré.

Cecilia Miguel, la compagne espagnole de Bertin, est venue aussi défendre l’amour de sa vie. Ils s’étaient rencontrés en 1989, en pleine cavale et ont vécu dix ans au Portugal où elle a tenu le commerce de disques vinyles du couple. Ils sont ensuite revenus à Barcelone, dans le bar de son père où ils ont travaillé ensemble. Miguel a toujours soutenu Gilles Bertin dans les affres de la maladie (sida, hépatite C, cirrhose), sans arrêter pour autant de militer pour qu’il vienne solder un jour les comptes.

« Ce n’était pas possible de vivre comme ça même si je savais que ce n’était pas possible à certains moments à cause de sa santé », a lancé cette quinquagénaire, s’exprimant en français. « J’attends maintenant la justice. Il faut assumer », a-t-elle ajouté, avant de rappeler au président : « Je ne suis pas à votre place mais il n’a plus commis de délit depuis trente ans. »

L’avocat de Bertin, Me Christian Etelin, a lui insisté sur le fait que son client aurait pu attendre la prescription, à la fin de 2024, pour revenir. « Il est venu pour oublier son passé afin de retrouver un avenir », a souligné l’avocat.

Un braquage parfait à 11,8 millions de francs

Le braquage, qui a nécessité deux ans de préparations minutieuses, avait été orchestré avec une dizaine d’amis musiciens, sur fond de crainte du sida et d’une envie de brûler la vie. Même si, a aussi avoué Bertin, de cette maladie, finalement, « on n’en parlait que peu : on gardait la tête en bas ». Lui n’a appris sa contamination que sept ans plus tard.

Le 27 avril 1988, le vol du dépôt d’espèce appartenant à l’entreprise de sécurité Brink’s avait été effectué « de façon quasi militaire ». Les auteurs avaient ainsi envisagé de nombreux détails, comme les déguisements de gendarmes avec une Renault 4, leur voiture de l’époque. Ce braquage de 11 751 316 francs (soit 1,79 million d’euros), sans le moindre coup de feu, fut une telle réussite qu’il a d’abord été attribué au grand banditisme. La majeure partie du butin n’a jamais été retrouvée.