Jean-Claude Arnault et son épouse, Katarina Frostenson, le 11 décembre 2011. / HENRIK MONTGOMERY / AFP

Le scandale a provoqué l’implosion de l’Académie suédoise et le report du Nobel de littérature 2018 : Jean-Claude Arnault, un Français accusé en plein scandale #MeToo par plusieurs femmes de les avoir agressées en usant de son influence sur la scène culturelle suédoise, va être jugé pour viol, a annoncé mardi 12 juin le parquet suédois. La date du procès n’a pas été fixée.

Marié à l’écrivaine Katarina Frostenson, membre de l’Académie suédoise, institution plus que bicentenaire qui décerne le prix Nobel de littérature, Jean-Claude Arnault, 71 ans, répondra du viol à deux reprises d’une femme à Stockholm en 2011, des faits qu’il récuse mais pour lesquels le ministère public estime disposer de témoignages crédibles, à défaut de preuves matérielles.

Selon l’ordonnance de renvoi consultée par l’Agence France-Presse, M. Arnault a contraint la plaignante, plongée dans un état « de peur intense », à un rapport oral et vaginal dans un appartement stockholmois le 5 octobre 2011, puis l’a de nouveau violée dans la nuit du 2 au 3 décembre alors qu’elle dormait.

D’autres accusations classées sans suite

En novembre 2017, en pleine campagne #MeToo, M. Arnault avait été dénoncé dans le quotidien de référence Dagens Nyheter par 18 femmes affirmant avoir subi des violences ou avoir été victimes de harcèlement sexuel de sa part. Jean-Claude Arnault avait aussitôt clamé son innocence par la voix de son avocat. Le parquet avait ouvert une enquête sur la foi de ces dénonciations. A la mi-mars, il avait annoncé qu’une partie des investigations concernant des viols et des agressions avaient été classées sans suite pour cause de prescription ou faute de preuves.

Le scandale, devenu une affaire d’Etat en obligeant jusqu’au roi Carl XVI Gustaf – parrain de l’académie – à sortir de sa réserve, a aussi révélé les liens étroits entre l’Académie suédoise et Jean-Claude Arnault. Soupçonné d’avoir importuné des académiciennes ou des femmes et des filles d’académiciens, mais aussi d’avoir « fuité » le nom de plusieurs lauréats du Nobel, il a également perçu des centaines de milliers d’euros de subventions de l’Académie au fil des années.

Paralysée, moquée dans le monde entier, l’académie a fini par annoncer au début de mai le report d’un an de l’attribution du prix Nobel de littérature 2018, une première depuis près de soixante-dix ans. Graal des romanciers, poètes et dramaturges, celui-ci sera annoncé en même temps que le prix 2019.

Dagens Nyheter s’est réjoui de ce que le procès permettra de lever le voile sur la « culture du silence » qui pendant des années a protégé l’accusé. « Une partie de l’Académie suédoise s’est activement efforcée de mettre ces faits sous le boisseau et d’esquiver la justice », écrit le journal.