Emmanuel Macron au Conseil européen le 28 juin. / FRANCOIS LENOIR / REUTERS

Peut-on représenter la France en Hongrie et parler comme Viktor Orban ? C’est en substance la question qui a été posée à Emmanuel Macron, lors de la conférence de presse ayant suivi, vendredi 29 juin, la dernière réunion du Conseil européen. Auparavant, Mediapart avait révélé le contenu d’une note diplomatique, rédigée le 18 juin dernier par Éric Fournier, l’ambassadeur à Budapest, entré au Quai d’Orsay en 1987.

Ce dernier, nommé à ce poste en 2015, y fustigeait la « presse française et anglo-saxonne », soupçonnée de vouloir détourner l’attention du « véritable antisémitisme moderne », celui des « musulmans de France et d’Allemagne », en continuant d’accuser la Hongrie d’antisémitisme, ce qui ne serait qu’un « fantasme de journalistes étrangers ». Ces derniers devraient, au contraire, saluer selon lui un « modèle » à suivre pour sa « gestion des mouvements migratoires illégaux ».

« Magyarophobie »

Le président français s’est vu obligé de rappeler que la note rédigée par M. Fournier ne correspondait « en rien à la position officielle française ». « Si une preuve m’était apportée que de tels propos aient été tenus publiquement, alors cet ambassadeur serait révoqué. » Selon nos informations, Eric Fournier devait de toute façon quitter ses fonctions à la mi-juillet.

Le Monde et d’autres médias sont régulièrement accusés de « magyarophobie » par des relais d’opinions, proches du gouvernement de Viktor Orban, un dirigeant épinglé par l’Union européenne, l’OSCE et l’ONU pour ses entorses à l’État de droit. Ces relais sont parfois rejoints par certains élus français, dans les rangs des Républicains (LR) ou du Rassemblement national (RN).

Alors que d’autres ambassadeurs, comme ceux du Canada ou de la Suède, prennent le risque de dénoncer publiquement les atteintes aux libertés en Hongrie, le représentant officiel de l’État français reprend a son tour, dans cette note, les éléments de langages conspirationnistes, traditionnellement véhiculés par M. Orban. Il dénigre le travail de la presse de son propre pays et s’en prend à des compatriotes de confession musulmane.

Attaques sur les rédactions

En cela, il épouse les méthodes du pays où il réside, car Reporters sans frontières dénonce régulièrement les attaques subies par les rédactions à Budapest. « Depuis son retour au pouvoir en 2010, le gouvernement hongrois a considérablement changé les règles du jeu médiatique et contribué à l’érosion du pluralisme en soumettant le service public à un contrôle éditorial étroit et en favorisant l’achat de médias indépendants par des hommes d’affaire alliés du pouvoir », explique Pauline Adès-Mével, la responsable du bureau UE/Balkans à RSF.

En poste en Géorgie entre 2007 et 2011, Eric Fournier s’était déjà illustré par un caractère impétueux. « Ambassadeur le plus fou à Tbilissi », comme l’avait qualifié un jour en plaisantant le président de l’époque, Mikheïl Saakachvili, il entretenait des liens d’amitié très décriés par ses collègues avec le milliardaire Bidzina Ivanichvili. Il avait aidé ce dernier à obtenir la nationalité française. L’oligarque était devenu ensuite premier ministre de Géorgie.