Affaire Benalla : les questions auxquelles devra répondre Gérard Collomb
Affaire Benalla : les questions auxquelles devra répondre Gérard Collomb
Le Monde.fr avec AFP
Le ministre de l’Intérieur a eu connaissance des faits dès le 2 mai. L’opposition veut notamment comprendre pourquoi il n’a pas immédiatement prévenu la justice.
Gérard Collomb lors d’une visite à Lyon le 8 mai. / JEFF PACHOUD / AFP
Pris lui aussi dans le tourbillon de l’affaire Benalla, Gérard Collomb va passer lundi matin sur le grill de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Il devra répondre à des « questions très nombreuses et d’une très grande gravité », selon le co-rapporteur, Guillaume Larrivé (LR).
Le ministre de l’Intérieur était au courant de ces agissements dès le 2 mai. La place Beauvau, qui se mure dans un quasi-mutisme, l’a confirmé au Monde ce week-end. Les oppositions dénoncent les « mensonges » du ministre et plusieurs personnalités, à droite comme à gauche, de Nicolas Dupont-Aignan à Jean-Luc Mélenchon, ont demandé la démission de M. Collomb. Le ministre de l’Intérieur est attendu à 10 heures, le préfet de police Michel Delpuech sera ensuite auditionné à partir de 14 heures.
- Qui a prévenu Gérard Collomb ?
Chargé de mission à l’Elysée et en première ligne dans le dispositif de sécurité entourant Emmanuel Macron, Alexandre Benalla a été filmé en train de frapper et malmener des manifestants le 1er mai à Paris.
Dans ce contexte, Gérard Collomb sera sans doute interrogé sur les zones d’ombres qui demeurent, et notamment : qui a informé le ministre des violences commises place de la Contrescarpe ? La préfecture de police de Paris ? L’Elysée qui a rapidement été mis au courant ? Un autre canal ? Dans un milieu censé être très hiérarchisé, la question a son importance.
Au Sénat jeudi, le ministre a dit avoir saisi la « police des polices » pour faire la lumière sur cette affaire, soit plus de deux mois après les faits. « On a laissé ces images tourner sur les réseaux sociaux. Cela est préjudiciable pour l’image de la police », déplore Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergies.
Pourquoi n’a-t-il pas saisi la justice ?
« Il a dissimulé (…) cette information à la représentation nationale et à la justice », s’offusque Benoît Hamon (Générations).
Selon l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République aurait dû être saisi pour ces faits mais aucun membre de l’exécutif ne l’a fait, ce qui fait dire à l’opposition que le pouvoir a cherché à étouffer l’affaire. « On vit dans un système hiérarchisé. Ce n’est pas au ministre de l’Intérieur d’engager des poursuites contre un collaborateur du président », tempère M. Ribeiro. « Il y a eu violences… Il fallait faire un article 40, au moins pour se protéger », avance un cadre de l’administration.
- Pourquoi Alexandre Benalla était-il présent le 1er mai ?
Il était censé n’être qu’un « observateur » sur une opération de maintien de l’ordre, il a fini par se promener avec brassard de police, radio et casque sur la tête avant de s’en prendre à des manifestants, en compagnie de Vincent Crase, un salarié de La République en marche. Pour l’instant, rien n’explique leur présence parmi les forces de l’ordre au sein de la manifestation.
- Qui a validé la présence des deux hommes sur cette manifestation ?
C’est la préfecture de police qui a donné son feu vert. Mais à quel niveau ? Beauvau était-il au courant ? D’où vient le matériel policier détenu par M. Benalla ? Pourquoi le major de police de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police n’est-il pas intervenu pour empêcher ces agissements, alors qu’il était ce jour-là le « référent » de M. Benalla ? « On voit mal un major s’opposer à un conseiller de l’Élysée », répond une source syndicale.
Plusieurs sources ont également fait état auprès de l’AFP de la présence de M. Benalla aux briefings et débriefings de la manifestation du 1er mai qui s’était soldée par de spectaculaires violences commises par des activistes du « Black Bloc ». « Il est régulièrement sur des dispositifs opérationnels et semble piloter différentes choses », s’étrangle David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). « Il n’est diplômé en rien mais semble avoir accès à tout. Qui l’a mandaté pour ça ? », interroge-t-il.
- Quel était le rôle exact d’Alexandre Benalla ?
Selon plusieurs sources, l’ex-chargé de mission auprès du chef de cabinet de la présidence de la République, qui accompagnait régulièrement M. Macron sur ses déplacements (y compris après sa mise à pied de quinze jours, au vu de photos de presse), paraissait aussi régenter la sécurité à l’Élysée. Problème : c’est précisément la mission du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), une structure du Service de la protection (SDLP), dépendant de la Police nationale. Le GSPR est dirigé par un colonel de gendarmerie.
Selon des sources policières, syndicales et internes à Beauvau, une réorganisation de la sécurité de l’Elysée était dans les tuyaux pour fin 2018, avec la création d’une Direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR) composée de trois entités. M. Benalla était pressenti pour occuper une place prépondérante dans ce dispositif directement piloté par la présidence.