TV – « Les Œuvres vives » : des vies à contre-courant
TV - « Les Œuvres vives » : des vies à contre-courant
Par Camille Langlade
Notre choix du soir. Au bord de l’eau et d’un monde avec lequel ils ont rompu, Bertrand Latouche filme une petite communauté de navigateurs nomades, en forme d’ode à la liberté (sur France 3 à 23 h 40).
Extrait documentaire LES OEUVRES VIVES - France 3 Pays de la Loire
Durée : 01:07
A 50 ans, Bertrand Latouche fait le point sur sa vie, ce « beau bordel ». Le réalisateur raconte ses peurs, ses espoirs et ce qu’il aimerait transmettre à sa fille de 16 ans, qu’il voit une semaine sur deux. Un bordel fait d’« œuvres vives », de ces « 4 millimètres d’acier qui [le] séparent de l’eau », autrement dit la partie immergée de la coque. Car Bertrand habite sur un bateau. Et celui-ci a pris l’eau il y a trois ans. Il s’est alors rendu dans un chantier naval, où il revient pour réparer le gouvernail et poser sa caméra.
Au bord de l’eau, on découvre une petite communauté de navigateurs nomades, installés là en attendant la réparation de leurs bateaux. Jean-Luc, Claudine, Jean-Yves et Christian ont décidé, un jour, de rompre avec leur vie de terrien sédentaire pour se réfugier dans une certaine marginalité. Un quotidien à contre-courant qu’ils ne regrettent pour rien au monde.
Dans ce beau documentaire aux notes de western, ces baroudeurs des mers, aux visages marqués par le soleil, reviennent sur le moment charnière où ils ont décidé de larguer les amarres. Des témoignages forts, recueillis en plans fixes, sous l’œil bienveillant de Bertrand Latouche. Rester au-dessus de la ligne de flottaison : voilà ce qui les anime aujourd’hui.
Ces Œuvres vives brillent par leur mise en scène épurée, à l’image de la vie que mènent ces habitants du chantier, sans s’encombrer d’un confort matériel superflu. La caméra montre une forme d’otium : une existence hors du temps faite de repos, de lecture et de moments de partage.
Soleil, gazole et solidarité
Bertrand Latouche dresse un tableau à la fois réaliste et impressionniste de cette vie à la marge, emplie de soleil, de gazole et de solidarité. Son journal intime entremêle les tranches de vie de ses personnages et les bateaux, partie intégrante de la peinture, avec leurs coques abîmées, embellies par les voyages.
A la lumière de ces personnages aux trajectoires atypiques, à rebours des schémas pré-tracés qui inondent la société, le réalisateur signe une magnifique excursion poétique dans un endroit qui paraît parfois hors du monde. Une ode à la liberté qui offre aussi une réflexion sur la notion de rupture, professionnelle ou amoureuse, parfois nécessaire pour pouvoir se reconstruire, changer de cap.
Les Œuvres vives, de Bertrand Latouche (Fr., 2017, 50 min).