Anna et Maria, symboles de la répression en Russie
Anna et Maria, symboles de la répression en Russie
Par Intérim
Poursuivies pour « extrémisme » après de simples conversations politiques, les jeunes filles viennent d’être libérées. Mais, assignées à résidence, elles risquent douze ans de prison.
Lors d’une manifestation de soutien à Anna Pavlikova et Maria Doubovik, deux jeunes internautes russes arrêtées après avoir partagé en public des avis critiques contre le Kremlin et Vladimir Poutine, à Moscou, le 15 août. / KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP
Sur le service de messagerie sécurisé Telegram, elles échangeaient librement quelques commentaires politiques. Et, dans les McDo de Moscou, elles se retrouvaient entre amis, osant partager en public de vagues avis critiques contre le Kremlin de Vladimir Poutine.
Arrêtées et poursuivies pour avoir créé une « organisation extrémiste », Anna Pavlikova, 18 ans, et Maria Doubovik, 19 ans, risquent désormais jusqu’à douze ans de prison. Les jeunes hommes délateurs qui avaient infiltré leurs discussions, eux, ont disparu des radars de la justice. Ils travaillaient pour les services de sécurité, ceux-là mêmes qui, depuis des mois, ont pour mission de traquer les jeunes tentés par toute forme de rébellion.
« Anna et Maria sont loin d’être un cas isolé. Naïves et innocentes, elles parlaient d’une autre Russie. Aujourd’hui, elles sont devenues le symbole de la répression. Le message du Kremlin est clair envers les jeunes : voyez ce qui vous attend si vous osez critiquer le pouvoir… », explique Olga, l’une de ces mères anonymes qui, mercredi 15 août, se sont rassemblées dans le centre de Moscou pour une marche en soutien aux deux jeunes filles. Sous la pluie battante, elles étaient quelques centaines, serrant sous leurs parapluies des peluches, symboles des enfants que « nous voulons protéger face à l’Etat policier ».
La manifestation se voulait apolitique, sans slogan ni pancarte. Mais elle n’avait pas été autorisée par les autorités municipales. Les organisatrices, - actrices, journalistes et autres figures féminines de la société civile -, avaient d’ailleurs reçu des avertissements. La police s’est pourtant montrée discrète. Et aucune manifestante n’a été arrêtée.
Santé détériorée
Le Kremlin, lui, se garde bien de commenter l’affaire. Mais, alors que le cas d’Anna Pavlikova et de Maria Doubovik, incarcérées depuis cinq mois, mobilisait ces derniers jours les réseaux sociaux des milieux d’opposition, les autorités ont préféré jouer l’apaisement. D’autant plus que, pendant leur détention, la santé des deux jeunes filles s’est détériorée.
Face à la protestation montante, les enquêteurs et le parquet viennent du coup de soudainement changer d’avis : ils ont demandé à mettre fin à la détention provisoire des deux adolescentes. Une recommandation suivie à la lettre par la justice qui a ordonné jeudi 16 août, dès le lendemain de la marche de soutien, la libération d’Anna et de Maria. Dans l’attente de leur procès prévu en septembre, elles sont désormais assignées à résidence.
Depuis l’an passé, des centaines d’adolescents rejoignent régulièrement les manifestations du leader de l’opposition Alexeï Navalny. Certains sont devenus très actifs sur les réseaux sociaux. Mais police et justice veillent. Ces derniers mois, se sont ainsi multipliées les poursuites pour « extrémisme » contre de jeunes internautes. Parfois pour une simple « like ».